Foire & Salon

A Frieze Masters, les marchands d’art ancien misent sur la conquête d’un nouveau public

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 9 octobre 2018 - 692 mots

LONDRES / ROYAUME-UNI

La foire qui vient de fermer ses portes offre un autre horizon aux antiquaires éparpillés parmi l’art moderne et contemporain.

L'antiquaire David Ghezelbash sur son stand à Frieze Masters 2018.
L'antiquaire David Ghezelbash sur son stand à Frieze Masters 2018.
Photo Mark Blower
Courtesy Frieze / Mark Blower

Frieze Masters, créée en 2012 , soit 9 ans après Frieze London, procède d’une volonté de mélanger art moderne et contemporain - avant 2000 - et art ancien. Pour autant, en foulant les allées bien remplies de cette foire, un constat s’impose : il s’agit d’abord d’une manifestation d’art moderne et contemporain, avec ici et là, des antiquaires.

Sur les 136 exposants, 42 vendent uniquement de l’art ancien. Ils ne sont pas regroupés mais soigneusement disséminés en fonction de ce qui pourrait plaire aux collectionneurs d’art moderne et contemporain. Point d’antiquaires généralistes mais des stands dévolus entièrement à une seule spécialité : la peinture ancienne, l’archéologie, les arts premiers, la Haute Epoque, les arts d’Asie. « Ici, on ne peut pas amener de meubles. On répond à un concept », explique la bruxelloise Gisèle Croës, spécialisée en art d’Asie, qui venait pour la première fois. 

Quel intérêt ces marchands trouvent-ils à exposer à Frieze Masters par rapport à une foire sectorisée, comme la Tefaf de Maastricht ou un salon classique ? Tous plébiscitent le niveau élevé de la foire. « C’est une des plus belles vitrines du monde compte tenu de la qualité des exposants », relève Jean-Christophe Charbonnier (Paris) - la contrepartie étant que c’est une foire extrêmement difficile. « Beaucoup de marchands font zéro de chiffre d’affaires car le niveau est phénoménal », confie un autre exposant. 

L’absence de sectorisation ? « Il est avantageux d’être dispersés plutôt qu’il y ait des blocs de spécialités. Si un visiteur pénètre dans le secteur peinture ancienne alors que ça ne l’intéresse pas, il va rebrousser chemin alors que si la peinture est mélangée, il sera bien obligé de passer devant. Et pourquoi n’aurait-il pas un coup de cœur pour une œuvre ancienne ? », explique Giovanni Sarti. 

 Le stand de Jean-Michel Charbonnier à Frieze Masters 2018
Le stand de Jean-Michel Charbonnier à Frieze Masters 2018
Photo Mark Blower
Courtesy Frieze / Mark Blower

L’enjeu reste la conquête de nouveaux clients. « Aujourd’hui, nos clients sont moins spécialisés. Etre ici nous permet de rencontrer des collectionneurs d’art moderne susceptibles de venir à la galerie », précise Georges De Jonckheere (Genève). Jean-Christophe Charbonnier lui emboîte le pas : « notre propos est de montrer que notre spécialité - les armures japonaises - peut parfaitement se marier avec l’art moderne et contemporain et d’aller vers un public qu’on ne toucherait pas dans une foire d’antiquités ». Même constat pour Camille Le Prince, qui partageait un stand avec Justin Raccanello (Londres) : « c’est important d’être présents car nous rencontrons de nouveaux collectionneurs. Ils ne sont pas jeunes mais ont 60 ans. Ils ont collectionné par le passé des maîtres anciens et se sont tournés aujourd’hui vers le contemporain. Mais de temps en temps, achètent de l’art décoratif ancien ».

Les objets présentés par les marchands sont là encore, mûrement réfléchis. « J’ai apporté des pièces spécifiques que j’ai imaginées en confrontation avec l’art contemporain, comme cette poterie du néolithique (300 000 €) », précise Gisèle Croës.

« Depuis qu’un visiteur est passé devant le stand, a vu un tableau qu’on avait acheté parce qu’il nous plaisait, en a demandé le prix et est reparti avec, ça a été comme un déclic. On s’est dit : il faut apporter des choses attirantes, qui étonnent ! », raconte Hervé Aaron, comme le vase de Maurice Charpentier-Mio (1881-1976) en terre cuite et plomb ou Sunset in Brittany, de Ferdinand Loyen du Puygaudeau (1864-1930), tous deux vendus. David Ghezelbash (archéologie) avait amené la pièce qu’il fallait, une idole en grès représentant un guerrier, Italie, 3500-2300 av. J.-C., rapidement vendue. « Un client voulait l’acheter car il prétendait avoir un Dubuffet lui ressemblant mais c’était trop tard. Même le vetting d’art moderne et contemporain de la foire m’a demandé le prix de cette pièce. C’est l’objet typique qui intéresse les collectionneurs d’art moderne et contemporain ». La foire est également l’endroit parfait pour dévoiler des objets de qualité muséale, « Et les présenter dans un contexte contemporain », comme la gourde de Xanto Avelli dont seulement 4 exemplaires sont connus dans le monde (au-delà de 300 000 €) sur le stand Raccanello - Le Prince.
 

Thématiques

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque