Paris

FIAC 2004, un cru bourgeois

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 5 novembre 2004 - 813 mots

Malgré ses 81 720 visiteurs, la FIAC a souffert de la défection des collectionneurs étrangers.

 PARIS - La scène française a un sens de l’hyperbole au moins égal à celui de l’anathème. Pendant toute la durée de la Foire internationale d’art contemporain (21-25 octobre), il était de bon ton de dire qu’elle était plus séduisante que l’an dernier, voire la meilleure depuis longtemps. La FIAC était effectivement belle et variée par rapport aux dispositifs convenus de Frieze Art Fair, à Londres (lire ci-dessous), mais elle n’avait rien de révolutionnaire. Le chemin du salon est celui de la chine, où le visiteur doit farfouiller sur les stands au fil des petits formats. D’autres œuvres s’offrent d’emblée, comme le superbe Claudio Parmiggiani tout en sfumato (220 000 euros) chez Christian Stein (Milan), réservé d’après nos informations par François Pinault. Ce joli cadre dressé, il est d’autant plus désolant que les collectionneurs étrangers aient fait faux bond. Une absence qui se répercute sur un rythme d’affaires globalement mou. Même les Belges, habitués du salon, étaient rares à arpenter ses allées alors qu’ils s’étaient pressés dans les couloirs de Frieze. Plutôt que de courtiser sans relâche les Américains, la FIAC devrait sensibiliser le vivier d’amateurs européens, notamment les Italiens, absents du salon malgré la large palette de galeries transalpines. Il serait sans doute bon que la foire ne soit pas juste un marronnier du mois d’octobre mais qu’elle communique plus étroitement avec les collectionneurs en les faisant saliver tout au long de l’année. Elle devrait aussi mieux gérer le parcours privé des VIP, lequel empiète souvent sur les horaires de la foire !
La Fièvre des achats, tel était le nom d’une installation de Jacques André sur le stand de Catherine Bastide (Bruxelles). Un titre qui fait rire jaune dans un contexte poussif, exception faite des œuvres de goût français, comme les peintures chichiteuses de Philippe Favier qui ont connu une vraie razzia chez Guy Bärtschi (Genève). Tornabuoni (Florence) n’a pas trouvé preneur pour ses deux importants Alighiero e Boetti, mais a vendu un Poliakoff ! La Galerie Malingue (Paris) affiche plusieurs ventes, sans doute amorcées en amont, notamment un Tàpies (780 000 dollars, plus de 611 000 euros).

Énergie sur 5.1
Les galeries étrangères sont nombreuses à faire grise mine. Face à la faiblesse des ventes, James Mayor (Londres) et Giulio Tega (Milan) ont d’ailleurs choisi de ne plus revenir. Même Michael Janssen (Cologne), membre du comité de pilotage, s’interroge sur son retour l’an prochain. « Les Français ne nous demandent des prix ou des informations que pour des choses qu’ils connaissent déjà. Ils achètent français chez les Français. La plupart des choses qu’on propose valent entre 15 000 et 25 000 euros, ce qui semble poser un problème », s’indigne Ralph Wernicke de la galerie Michael Janssen. Thomas Krinzinger (Vienne) tirait un bilan positif, mais en confessant un chiffre d’affaires trois fois inférieur qu’à Frieze. Pour la Galerie Lelong (Paris), dont la clientèle est à 80 % internationale, la cuvée s’est révélée catastrophique.
Les enseignes du hall 5.1 ont bien mieux tiré leur épingle du jeu, petits prix oblige, sans subir l’effet ghetto que risquait d’engendrer la séparation avec le hall 4. Il y régnait une grande énergie même si les découvertes n’étaient pas légion. « Je suis sûr que la moitié des gens qui ont acheté dans le hall 5.1 se dirigeront d’ici deux à cinq ans vers le hall 4. Ce hall sert d’initiation », insiste Hervé Loevenbruck (Paris). Les plus réjouis étaient les marchands de design, qui ont cartonné dès les premières heures. Certains galeristes pourraient voir d’un œil courroucé le succès de ce secteur où les affaires sont allées bon train, à coup de sommes parfois mirobolantes, alors que les collectionneurs semblaient tiquer au-delà de 30 000 euros pour l’achat d’œuvres d’art...
La FIAC n’a pas été ponctuée de faits divers (boules puantes, mini-explosion…) comme la précédente édition. Elle a toutefois connu ses effets d’annonce avec le départ de Marcel Fleiss (Paris) et Xavier Hufkens (Bruxelles) du comité de pilotage, et surtout l’arrivée de l’ancien délégué aux Arts plastiques, Martin Bethenod, comme commissaire général de la foire. « Cette année a été celle d’un redémarrage dans un bouillonnement d’idées. Il faudra renforcer et recadrer le travail qui vise à asseoir la légitimité de la foire. Le groupe des membres associés a vocation à s’ouvrir et à s’élargir du côté de l’international. On devra d’une manière ou d’une autre associer les collectionneurs et les entreprises », déclare avec prudence Martin Bethenod, qui formera un duo avec la directrice artistique Jennifer Flay.
La FIAC n’est pas sur une pente savonneuse, si ce n’est celle de la régionalisation. Peut-être pourra-t-elle rattraper le coche l’an prochain en devançant d’une semaine Frieze (1).

(1) Prochaines dates de la FIAC : du 6 au 10 octobre 2005, et de Frieze : du 21 au 24 octobre 2005.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°202 du 5 novembre 2004, avec le titre suivant : FIAC 2004, un cru bourgeois

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