Feu d’artifice londonien

La capitale britannique a accueilli cinq foires en juin

Le Journal des Arts

Le 2 juillet 1999 - 1019 mots

La première quinzaine de juin, le marché de l’art londonien brille de tous ses feux. Cinq foires s’y tiennent simultanément, où l’on trouve toutes les spécialités, du mobilier au textile en passant par la céramique. Cette année semble avoir été plutôt prospère, particulièrement pour la Grosvenor House Art & Antiques Fair, où ont été conclues des ventes importantes.

LONDRES (de notre correspondante) - Soleil, petits nuages pommelés et averses épisodiques ont accompagné marchands et collectionneurs tout au long de cette quinzaine londonienne marquée par un accroissement des affaires, qui s’explique tant par l’afflux important de visiteurs étrangers – italiens et américains surtout – que par le haut niveau de la livre sterling. Les transactions, particulièrement nombreuses le premier jour, se sont ensuite ralenties. Ce phénomène a été très sensible à l’Olympia Fine Art and Antiques Fair, qui a duré dix jours. Ses participants et ceux de la Hali Antique and Carpet Textile Art Fair ont remarqué que les objets d’une valeur inférieure à 5 000 livres se sont bien vendus, tandis que les pièces majeures ont été un peu boudées. En revanche, au cours de l’International Ceramics Fair et de Grosvenor House, les transactions au-dessus de 100 000 livres (environ 1 million de francs) ont été nombreuses. Ce phénomène traduit peut-être une polarisation du marché, déjà remarquée dans des ventes récentes : alors que les détenteurs de grosses fortunes n’hésitent pas à dépenser beaucoup pour des pièces de très grande qualité, le marché moyen reste déprimé. Presque partout, les ventes d’objets d’Extrême-Orient ont été faibles, et rares les visiteurs orientaux. Et dans les vacations d’art d’Extrême-Orient, la semaine suivante, le taux de rachat a été élevé.

Un fort niveau d’affaires
Cette année, pour la première fois, Grosvenor House durait huit jours au lieu de onze. Le changement, apprécié des marchands londoniens, a déçu les provinciaux qui auraient souhaité bénéficier aussi longtemps que possible d’une vitrine à Londres. La fréquentation a été plus élevée que les années précédentes pendant les premiers jours, faible à la fin du salon. L’antiquaire Charles Ede, nouveau venu, était particulièrement enthousiaste. Il s’est séparé de certaines de ses plus belles pièces, telle une armure grecque achetée environ 30 000 livres par un collectionneur britannique. Rupert Gentle Antiques (objets en métal et de décoration), la O’Shea Gallery et Andrew Edmonds (gravures), Iona Antiques (art naïf),Victor Frances et la Sladmore Gallery (bronzes des XIXe et XXe siècles) affichaient aussi leur satisfaction.

La plupart des marchands de tableaux ont vendu au moins une œuvre majeure et plusieurs de moindre importance. Johnny Van Haeften a cédé dès le premier jour une nature morte de Jan Bruegel le Jeune à un collectionneur américain pour 400 000 livres, Noortman un paysage forestier de Hobbema pour environ 850 000 livres, et Colnaghi un portrait de Bernardo Strozzi. Les résultats ont été satisfaisants également pour la majorité des marchands de mobilier, qui ont vu affluer de riches amateurs disposés à investir dans de belles pièces. Michael Hill, de Jeremy Ltd, a conclu de nombreuses transactions de plus de 100 000 livres, sans toutefois parvenir à céder sa commode à 500 000 livres sterling. Mallet a vendu le premier jour, pour environ 250 000 livres, son fauteuil du château de Wentworth. Si la galerie Asprey’s n’a pas trouvé preneur pour son horloge Edward East– elle en demandait 1,2 million de livres –, quelques affaires importantes ont quand même été réalisées. Le marchand d’horloges Anthony Woodburn s’est pour sa part séparé d’un baromètre signé Daniel Quare à 80 000 livres. Les Français, représentés par les marchands Patrick Perrin et Pierre Lévy (galerie Étienne Lévy) semblaient satisfaits. Patrick Perrin, qui expose à Londres depuis cinq ans, a vendu plusieurs meubles et objets, dont une bergère Louis XV (35 000 livres) et un baromètre Louis XV (55 000 livres). “Nous avons rencontré des collectionneurs anglais et américains enthousiastes et décidés. La clientèle m’a semblé moins importante que l’an passé mais mieux ciblée”, explique de son côté Pierre Lévy, qui partageait un stand avec la galerie Pelham.

À l’Olympia, qui compte le plus grand nombre d’exposants, les marchands installés à l’étage supérieur, “les spécialistes”, ont beaucoup mieux travaillé que les “généralistes” du rez-de-chaussée. Les belles pièces ainsi que les meubles du XIXe siècle se sont, à quelques exceptions près, très bien vendus, avec une augmentation sensible des clients britanniques et des décorateurs américains. La journée d’ouverture a été très animée, et la fréquentation a battu un record avec 39 500 visiteurs, ce qui n’a pas empêché quelques grands marchands de faire montre d’une certaine déception en fin de salon. À l’opposé, les marchands positionnés dans la frange basse du marché ont trouvé la foire très dynamique. Ils ont conclu de belles affaires, notamment dans le secteur du mobilier, même si les ventes de plus de 25 000 livres ont été exceptionnelles.

Textiles et céramique
La Hali Antique and Carpet Textile Fair a accueilli, pour sa deuxième édition, 6 000 visiteurs, une fréquentation comparable à celle de l’an passé. Sur les 35 pièces d’une valeur supérieure à 50 000 livres, aucune ne semble avoir été vendue. Ainsi, les cinq panneaux de tente ou lampas en soie de Mongolie centrale, les plus beaux de ce type au monde, proposés par Plum Blossoms à 3,5 millions de livres, n’ont pas trouvé preneur.

La Ceramics Fair semble être épargnée par les modes et les fluctuations du marché. Les objets y sont relativement bon marché et ceux au-dessus de 100 000 livres, très rares. Les musées achètent beaucoup, les collectionneurs sont fidèles. Avec 7 000 visiteurs cette année, la foire semble avoir été une réussite. “Quand j’ai vu Mrs. Wrightsman, Jacob Rothschild et Gillian Wilson du Getty Museum en tête de la file d’attente le jour de l’ouverture, j’ai su que le salon serait un succès”, s’est exclamée Anne Haughton, son organisatrice. Les pièces françaises, italiennes et anglaises se sont particulièrement bien vendues, en majorité à des collectionneurs européens, contrairement aux céramiques orientales, et la plupart des objets importants ont été vendus. La foire est restée animée jusqu’au dernier jour, égayée par les nombreux petits points rouges disséminés sur les plats, assiettes et autres soupières.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°86 du 2 juillet 1999, avec le titre suivant : Feu d’artifice londonien

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