Festival Ruhlmann à Drouot-Montaigne

L'ŒIL

Le 1 octobre 1999 - 490 mots

A Drouot-Montaigne, la vente de 53 meubles de l’ébéniste Jacques-Émile Ruhlmann est l’un des événements de l’automne. Ils ont été réunis par Pierre Hebey, écrivain et avocat d’affaire, qui s’est interessé à l’Art Déco à partir de 1955, époque où ce style était presque tombé dans l’oubli. Sélectionnant systématiquement les plus belles pièces, il s’est constitué un ensemble exceptionnel, où figurent tous les genres représentatifs de l’œuvre de Ruhlmann, de 1913 à 1933.

Considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands créateurs de l’Art Déco, Ruhlmann est sans doute celui qui fait le plus ouvertement référence à la splendeur du mobilier XVIIIe.
Mais il l’interprète dans un esprit résolument moderne. Matériaux raffinés (bois exotiques, ivoire, galuchat, bronze doré), marqueteries inventives, lignes pures tempérées de courbes élégantes, caractérisent ses meubles. En ébène de macassar, la coiffeuse Colonnettes se distingue par une marqueterie unique : sur un plateau en demi-lune est posé un tapis à motifs de cailloutis en ivoire marqueté, bordé d’une frange qui retombe sur l’entablement. Des perles, des filets et des denticules, également en ivoire, complètent le décor du plateau. Les colonnettes effilées qui le soutiennent, et ont donné son nom à ce modèle créé en 1910, se terminent par une base octogonale (estimation 3/3,5 MF). Un meuble à caisson, appelé modèle Duval, avait été adapté par Ruhlmann, qui l’utilisait pour ranger ses chapeaux. En placage d’ébène de macassar et écaille de tortue, les portes offrent une marqueterie de losanges soulignés de filets d’ivoire, alors que l’intérieur, qui compte 9 compartiments, est plaqué de loupe d’orme clair. Cette pièce tout à la fois précieuse, sobre et pratique, justifie également une estimation de 3 à 3,5 MF. D’allure très différente, la table basse dite Lorcia, est construite comme une architecture, le piètement formé par quatre colonnes surmontées d’un chapiteau. En placage de loupe d’amboine, cette double arcature soutient un plateau incrusté de filets d’ivoire formant des motifs géométriques. Estimée entre 1,2 et 1,5 MF, elle fut réalisée vers 1930 pour l’appartement de l’actrice Gabrielle Lorcia, et celle-ci raconta aux marchands Bob et Cheska Vallois que Ruhlmann avait surnommé cette table « Hommage à Nicolas Ledoux », architecte néoclassique réputé pour l’harmonie de ses volumes.
Autre chef-d’œuvre, le bureau dit « Collectionneur 25  », un meuble plat à caisson en ébène de macassar massif soutenu par 4 pieds en décrochements cannelés à mi-corps, terminés par des sabots d’ivoire. Les spécialistes indiquent qu’un modèle identique nécessita près de 500 heures de travail en 1929 (0,8 MF/1 MF). De nombreux sièges, seuls, en paire ou en suite, se trouvent dans cette collection. Leurs prix vont de 150 000/200 000 F à 600 000/800 000 F. Parmi les plus originaux, la charmante chaise de coiffeuse dite « retombante », en laque de chine rouge, a été exécutée dans les ateliers de Jean Dunand vers 1916-1918. L’assise forme l’amorce d’un dosseret et finit en enroulement (150 000 F).

Drouot-Montaigne, 28 octobre. Mes Millon-Robert, expert Jean-Marcel Camard.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°510 du 1 octobre 1999, avec le titre suivant : Festival Ruhlmann à Drouot-Montaigne

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