Praz - Delavallade

Fabien Mérelle : le doux éloge de la fragilité

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 25 avril 2012 - 803 mots

L’univers immédiat de Fabien Mérelle prend forme sous la précision
et l’habileté de son trait, entre portraits et jeux de miroirs.

PARIS - Fabien Mérelle est un tout jeune artiste. Né en 1981, il est, depuis 2006, diplômé de l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Un séjour à l’Académie des beaux-arts de Xi’an, en Chine, puis à la Casa de Velàzquez, en Espagne, lui ont donné l’occasion de compléter sa formation. Bien qu’apparu récemment sur le marché, l’artiste n’est pas un inconnu des amateurs de dessin contemporain, puisqu’il a déjà consciencieusement raflé de nombreux prix en ce domaine – du prix de dessin David-Weil en 2003 jusqu’au prestigieux prix Canson en 2010 –, et qu’il figure déjà dans la collection de la fondation d’art contemporain de Daniel et Florence Guerlain. Très vite, Fabien Mérelle a été représenté par différentes galeries, avant de rejoindre le duo parisien Praz-Delavallade qui lui consacre aujourd’hui sa première exposition en ses murs.
C’est la finesse de ses dessins à l’encre et à l’aquarelle dont les motifs – généralement des personnages, et bien souvent des autoportraits — semblent perdus au milieu de feuilles trop vastes pour eux qui a fait connaître Fabien Mérelle. La présente exposition poursuit le travail de l’artiste, puisque l’on retrouve ses remarquables portraits de personnages isolés, soigneusement placés dans l’espace de la feuille qui pourrait sembler bien trop vaste pour le sujet, pour leur simple personne, si, précisément, le rapport à l’échelle n’avait ici un sens primordial. Les compositions sont souvent décentrées tant la présence du sujet, généralement humain, semble anecdotique, et paraît ne comporter aucune réelle nécessité, comme si chacun ne faisait que passer et se trouver là presque par hasard au moment où il est croqué. Se retrouve dans les dessins toute la finesse, toute la virtuosité du trait qui, toujours, est essentielle ; la couleur, peu présente, se limitant à des tons pastel d’une grande discrétion. Fabien Mérelle maîtrise l’art de la litote comme celui de la miniature, et produit, avec une grande économie de moyens, des effets saisissants.

Une réflexion sur sa réalité quotidienne
Dès lors, nul besoin d’aller chercher au lointain le propos de ses œuvres : le sujet, c’est d’abord lui, à travers des autoportraits aussi touchants que saisissants, mais aussi sa femme, leur fillette encore bébé, son père, sa mère, sa sœur, sa grand-mère, son meilleur ami. De l’ensemble se dégage une grande poésie, une profonde solitude aussi, malgré la mise en scène de la famille et des liens de filiation. Immanquablement, le sujet semble se battre, seul et vaincu d’avance, contre la condition humaine et les personnages courbent l’échine, signe de soumission et de résignation, comme écrasés. Ici domine l’abattement face au destin d’être humain. Lorsque Fabien Mérelle s’attribue un double animal, il s’agit d’un chien, qui se doit d’être efflanqué et d’apparaître comme perdu au milieu d’une feuille là encore trop vaste pour lui.Quand il se représente, il se montre souvent nu, dévoile son corps frêle, jambes fléchies, perdu face à son sort, portant dans ses bras son enfant, un nourrisson apeuré. L’homme semble autant se raccrocher que porter le nourrisson qu’il tient entre ses mains. L’artiste se montre aussi affrontant, une simple raquette à la main, une volée d’oiseaux noirs, dans un combat aussi privé de sens que désespéré. Cette cruauté de la condition humaine s’exprime douloureusement dans un autoportrait de l’artiste en « homme tronc », mi-humain mi-végétal, qui semble lutter – en vain – pour se redresser et accéder pleinement au statut d’être humain.Ce même dessin se poursuit par une sculpture à moitié hyperréaliste qui représente l’artiste jusqu’à la taille  abattu au sol, le reste de son corps, à l’emplacement du bassin et des jambes se poursuivant précisément par un tronc d’arbre tronçonné évoquant mutilation, abattage (abattement ?) et fragilité. Outre les personnages, les arbres constituent, en effet, des motifs récurrents qui renvoient au sol, à l’impossible mouvement, ou à la vulnérabilité : malgré leur force apparente, les plus grands d’entre eux finissent brisés, tranchés. Pourtant, ils offrent aussi un refuge. Refuge, nous y voilà. Le plus émouvant des dessins est sans doute cette étonnante scène familiale dans laquelle la femme de l’artiste, vêtue, quasi-madone, accueille sous son voile protecteur, son mari nu et vulnérable, jambes pliées, représenté beaucoup plus petit qu’elle ; il porte dans ses bras leur enfant, tandis que la femme veille sur son compagnon et sur le fruit de leur union. Cette même femme, on l’imagine regardant son mari créer, l’observer avec douceur et bienveillance, penchée au-dessus de son épaule et tentant de lui apporter un peu de sérénité. Un tel dessin est un moment de grâce.

FABIEN MERELLE

Nombre d’œuvres : 18 (17 dessins, dont la moitié vendue une semaine après le vernissage, une sculpture)
Prix : 3 000 à 8 000 € (25 000 euros la sculpture)

Fabien Mérelle

Jusqu’au 26 mai, galerie Praz-Delavallade, 5 rue des Haudriettes, 75003 Paris, mardi-samedi : 11h-19h, du 31 mars au 2012, www.praz-delavallade.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°368 du 27 avril 2012, avec le titre suivant : Fabien Mérelle : le doux éloge de la fragilité

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