Art contemporain

Entre deux

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 1 octobre 2008 - 697 mots

La deuxième foire ShContemporary de Shanghaï a enregistré des retombées commerciales mitigées.

SHANGHAI - Pour faire événement, un salon a besoin d’un aréopage de galeries internationales, d’œuvres puissantes, de collectionneurs et de stars de la jet-set. Faute de réunir toutes ces conditions, la seconde édition de ShContemporary, organisée à Shanghaï du 10 au 13 septembre, a joui d’un atout inespéré : la censure chinoise. L’artiste Wim Delvoye a vu ainsi huit de ses cochons tatoués retirés du stand de la Xin Beijing Gallery (Pékin). « Ils ont jugé que ce n’était pas artistique ! Ils auraient mieux fait de prétendre que c’était pour des questions d’hygiène », ironise le trublion belge, tout content de défrayer la chronique. Mais s’agit-il là d’une décision politique ou d’un croche-pied commercial fomenté par une foire concomitante, la Shanghaï Art Fair, dont le propriétaire se trouve être… le partenaire de ShContemporary ? On peut le penser, d’autant plus que le salon dirigé par Lorenzo Rudolf a dû rogner sur son vernissage sous la pression des autorités.
Même si le niveau général semblait plus homogène cette année, la manifestation a affiché un visage lisse lui ôtant la saveur toute particulière qui en émanait l’an dernier. « La première année, les gens étaient excités par la nouveauté, soulignait Waling Boers, codirecteur de la galerie Boers-Li (Pékin). J’ai l’impression que cela s’est refroidi dans tous les sens du terme : les extrêmes ne sont plus aussi extrêmes, c’était plus audacieux l’an dernier aussi bien dans les choix asiatiques qu’occidentaux. Les choses sont peut-être plus harmonieuses, mais aussi trop définies. » La section Best of Discovery, supposée offrir un contrepoint à un marché uniforme, s’est révélée trop petite. À peine deux ou trois propositions fortes surnageaient, comme l’installation vidéo de Yael Bartana mettant en parallèle l’activité de reconstruction du comité israélien contre la destruction des villages palestiniens et un film de propagande sioniste. Les artistes indiens tenaient aussi le haut du pavé, notamment Ved Prakash Gupta et Sumedh Rajendran. « Il n’y a pas de fil rouge et il faudra y réfléchir l’année prochaine, mais on peut dire la même chose des Statements à la foire de Bâle, objecte Lorenzo Rudolf. Il est partout difficile de montrer des artistes qui soient des vraies révélations. Mais peut-être la formule des Discovery n’est-elle pas encore la bonne. » À la décharge des organisateurs, certains projets ont été escamotés in extremis, celui des crucifixions de l’Indonésien Agus Suwage ayant été censuré…
La mollesse artistique a semblé se répercuter sur le plan commercial. L’Asie accuse, en effet, le coup du ralentissement occidental avec un temps de retard. La bourse de Shanghaï ayant chuté de plus de 60 % à l’ouverture du salon, l’humeur n’était guère au beau fixe. Ce, d’autant plus que l’art contemporain est le cadet des soucis des Chinois. Zeng Fanzhi, propulsé depuis mai comme l’artiste local le plus cher avec l’enchère de 9,6 millions de dollars, confie vendre à 90 % à des Occidentaux. Encore en phase de digestion de sa propre culture, l’Empire du Milieu n’est pas plus enclin à apprécier les créateurs de l’Ouest. Aussi, la foire doit-elle trouver ses acheteurs ailleurs. Arthur Solway, directeur de la galerie James Cohan (New York-Shanghai), saluait une présence accrue des acheteurs américains, notamment d’un groupe venant du Museum of Modern Ar (MoMA) de New York. C’est d’ailleurs à un Américain que la galerie Bodhi Art (Berlin, Mumbaï, Delhi, New York, Singapour) a vendu une sculpture de Jitish Kallat. Tout en jugeant le démarrage lent, Jean-Gabriel Mitterrand (Paris) se réjouissait d’avoir décroché le concours pour exposer quarante sculptures monumentales lors de l’Exposition Universelle de 2010 à Shanghaï. « Le plus difficile pour les organisateurs, ce n’est pas cette année, où il y avait la Biennale de Shanghaï, ni 2010 où il y aura l’Exposition Universelle, mais plutôt l’année prochaine, remarquait le galeriste Xin Dong Cheng (Pékin). Peut-être à long terme Macao serait une place plus intéressante et plus folklorique avec ses casinos. » L’aubaine en termes de communication de la censure a aussi son revers. À trop subir le couperet, comme Albert Benamou (Paris) lequel s’est vu retirer neuf œuvres, certains pourraient préférer la plateforme moins tatillonne de Hongkong.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°288 du 3 octobre 2008, avec le titre suivant : Entre deux

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