ANALYSE

Du maxi à gogo

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2017 - 765 mots

Le secteur « Unlimited » a installé le monumental dans les foires, en écho au goût de l’époque pour l’expérience totale.

Bâle. Comme souvent en matière de salons d’art contemporain, c’est Art Basel qui a donné le la. En inaugurant en 2000, dans un hall annexe au bâtiment principal de la Foire de Bâle, un nouveau secteur dévolu aux œuvres de grand format voire monumentales, le salon suisse a créé une tendance qui a fait des petits dans de nombreux événements internationaux. Installées dans des espaces verts, Regent’s Park à Londres et Randall Island Park à New York, les deux boutures de la foire Frieze ont très vite mis à profit leur environnement et proposé des promenades agrémentées de sculptures en extérieur. Et la Fiac (Foire internationale d’art contemporain), qui pendant longtemps n’avait pas trouvé la parade faute d’espace, s’est depuis l’an dernier associée au Petit Palais voisin afin de pouvoir y déployer une sélection de travaux au-delà des formats habituels.

À Bâle, la sélection présentée dans le cadre d’« Unlimited » a beau être très inégale selon l’édition, le public en est toujours très friand et en redemande. « Outre le fait qu’ils nous permettent de présenter des sculptures monumentales, de grandes installations ou des projets vidéo qui ne peuvent évidemment pas prendre place sur un stand classique, des secteurs comme “Unlimited” sont plébiscités car une grande diversité de projets y sont proposés, ce qui est très attractif pour les visiteurs », relève un galeriste européen.

76 projets
Confiée à nouveau cette année au Suisse Gianni Jetzer, curator-at-large [commissaire extérieur lié à une institution] au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington, la sélection retrouve, avec 76 projets, ses niveaux habituels, après une inflation à 88 propositions en 2016. Elle s’annonce fort éclectique, tant dans les formes que dans les époques.

Des artistes vétérans sont de la partie, tels Julio Le Parc et Cildo Meireles. Le premier avec une composition picturale de 1974, La Longue Marche, fondée sur les couleurs du cercle chromatique, longue de 20 mètres et composée de 10 panneaux (Perrotin, Paris ; Nara Roesler, São Paulo). Le second avec Amerikka (1991-2013), qui questionne la suprématie blanche en invitant le spectateur à se mouvoir sur une plateforme réalisée à l’aide de 20 000 coquilles d’œuf tandis qu’un plafond fait de 40 000 munitions dorées le surplombe (Lelong, Paris).

Thaddaeus Ropac (Paris) réactive de son côté un théâtre mécanique de Markus Schinwald, composé de sculptures animées et désynchronisées entraînées par des mouvements d’horloge. Andrea Bowers a, elle, exécuté une large fresque en hommage aux figures fortes des années 1970 et 1980, appelant à une révolution féministe contemporaine (Susanne Vielmetter, Los Angeles).
La monumentalité apparaît aussi tel un symptôme de l’époque. « L’art contemporain est de plus en plus tourné vers son versant spectaculaire qui est entretenu par le marché car il est d’accès aisé, mais qui est aussi porté par le goût du public de plus en plus prononcé pour des expériences totales, qui l’enveloppent et lui donnent la sensation d’être dépassé par l’art ou d’y prendre part », analyse ainsi un marchand parisien. À ce jeu-là, l’installation à ne pas rater est celle de l’Italien Paolo Icaro (1967) [P420, Bologne ; Massimo Minini, Brescia] : Metal Forest, structure métallique qui emplit entièrement la pièce et brouille les frontières entre sculpture, architecture et environnement, comptait à l’époque parmi les expériences pionnières d’œuvres d’art comme espaces à expérimenter.

L’on pourra se rendre également sur une scène de crime, dans la pure fiction de The Bathroom (1978) imaginée par Mac Adams (gb agency, Paris). Objets et photographies, dans des éléments de décor, agissent comme des fragments de scénarios parfois violents – une installation entre théâtre, sculpture et photographie qui devrait pousser les spectateurs à se comporter en enquêteurs. Ailleurs, Skopia (Genève) expose une installation de quatre toiles de Thomas Huber plongeant le spectateur dans un espace où la segmentation et la répartition des couleurs et motifs tendent à désorienter le regard (Vis-à-vis, 2014).

Mais une autre raison de l’engouement des galeries pour « Unlimited » tient au potentiel commercial que ce secteur génère. « Montrer des œuvres monumentales a un coût très important [location des emplacements, transport, équipement, mains d’œuvre pour l’installation, NDA] et n’est pas toujours rentable immédiatement. Mais c’est un moyen efficace d’attirer l’attention à la fois sur les artistes et sur la galerie, et d’amener des collectionneurs qui n’ont pas forcément le potentiel d’acquisition pour de telles œuvres à venir nous voir tout de même et à acheter des choses plus petites », avance un galeriste new-yorkais.
Pragmatisme quand tu nous tiens !

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<b>Légende Photo :</b><br />
Thomas Huber, <em>vis-à-vis</em>, 2014, peinture. Courtesy Skopia</p></div></body></html>

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Du maxi à gogo

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