Mobilier

Caviar, canapé et petits-fours

Forte de prestigieuses collections, Christie’s totalise 16,2 millions d’euros

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 16 janvier 2008 - 908 mots

PARIS - Le 19 décembre à Paris, Christie’s a achevé en beauté l’année 2007 avec une importante vente de mobilier totalisant 16,2 millions d’euros dont 9,1 pour deux prestigieuses collections. La collection Qizilbash réunissait cinq lots qualifiés de chefs-d’œuvre, faisant l’objet d’un catalogue tiré à part. Visiblement trop cher, un rare coffret en tombeau d’époque Louis XIV attribué à André Charles Boulle, estimé 400 000 à 600 000 euros, n’a suscité aucun intérêt. Une paire d’aiguières symbolisant le vin et l’eau d’époque Louis XVI (vers 1767), par Pierre Gouthière, en porphyre mouluré, de provenance impériale russe, estimée 500 000 à 800 000 euros, a déclenché la plus belle bataille d’enchères : le courtier américain William Iselin et le spécialiste en mobilier Patrick Leperlier sont montés jusqu’à 1,2 million d’euros pour le compte de deux clients privés au téléphone, l’enchère finale revenant au courtier américain. Estimé 1,2 à 1,8 million d’euros, un vase couvert d’époque Louis XVI (vers 1770), en céladon craquelé et bronze ciselé et doré, a été adjugé 1,3 million d’euros, l’enchère la plus élevée de la vente. Il a été emporté par Patrick Leperlier contre la réserve. Ce dernier a aussi acquis pour 1 million d’euros (le double de l’estimation) la paire de girandoles d’époque Louis XVI, en granit gris et bronze ciselé et doré. Enfin, un cabinet en ivoire, argent et vermeil d’époque baroque (vers 1650), travail allemand (Augsbourg) attribué à Melchior Baumgartner, a été acheté 360 250 euros (son prix de réserve) par la galerie parisienne Kugel.
La vente de la collection Smadja a été globalement une réussite avec 53 des 60 lots vendus. Une paire d’appliques de style rocaille en vermeil de 1750 par l’orfèvre parisien Michel II Delapierre, estimée 100 000 à 150 000 euros, s’est envolée à 420 250 euros au profit du marchand londonien spécialisé en orfèvrerie S. J. Phillips contre la galerie Kugel. Cette paire était la seule connue en vermeil à ce jour, d’où son prix qui a fait dix fois celui qu’aurait fait un modèle similaire en bronze doré. Autre lot phare, un rare paravent en Savonnerie d’époque Louis XV, estimé 500 000 à 800 000 euros, n’a décroché aucune enchère. Sur les cinq panneaux réunis de provenances différentes, trois étaient en effet défraîchis. Un coffre en laque de Chine d’époque Kangxi, estimé 200 000 à 300 000 euros, reposant sur son piétement indiqué « d’époque Régence », mais qui paraissait faible de qualité et plus tardif aux yeux de spécialistes, n’a pas non plus réussi son passage aux enchères.
Estimée 250 000 à 400 000 euros, la paire de candélabres en bronze ciselé, patiné et doré, cataloguée par Christie’s comme étant d’époque Louis XVI (vers 1780) et attribuée à François Rémond avec une mention indiquant que la partie inférieure de la base était d’époque postérieure, leur est également apparue comme une pièce XIXe siècle. Si aucun professionnel n’a levé le doigt, la paire a été emportée par un collectionneur du Moyen-Orient au téléphone pour 760 250 euros contre un autre particulier. Le même acheteur a acquis pour 312 250 euros, à son estimation basse, le canapé à châssis d’époque Louis XV en bois sculpté et doré, à décor de rocaille, « attribué à Nicolas Heurtaut, vers 1745 » au catalogue. Cette attribution a fait tiquer Bill Pallot, grand spécialiste du siège français au XVIIIe et en particulier de Heurtaut. « J’ai signalé au département mobilier de Christie’s que ce canapé ne pouvait pas être de Heurtaut pour des raisons tant historiques que stylistiques. Heurtaut a été reçu maître menuisier en 1753 et, selon les règles corporatistes en vigueur, il n’a pu faire de meuble avant cette date. Ce canapé est un modèle d’Allemagne du Sud avec des consoles d’accotoir en forme de crochet, ce qui est typique de cette région. On confond souvent l’exubérance du rococo allemand avec le travail de Heurtaut. Or dans son style riche de sculpture, Heurtaut a toujours composé un rocaille “symétrisé”. Je suis déçu que Christie’s n’ait pas souhaité faire de rectificatif à ce sujet. Je ne conteste pas la qualité du meuble qui est un beau canapé, mais il faut appeler un chat un chat : il n’est pas de Heurtaut », explique l’expert. Dans sa vente de mobilier du 16 octobre à Paris, Sotheby’s avait fait exactement la même erreur à propos d’un siège rocaille qu’elle considérait de Heurtaut et qui était allemand. Bill Pallot s’était manifesté et la maison de ventes avait corrigé cette fausse attribution au moment de la vente. « Les avis divergent quant à l’origine de ce canapé qui pourrait bien être italien, allemand ou encore français, et attribuable à Heurtaut, comme le pensent les spécialistes de Christie’s », nous a répondu bille en tête Adrien Meyer, directeur du département mobilier de Christie’s France. La maison de ventes a fait beaucoup de publicité autour de ce canapé ; a-t-elle eu peur de perdre la face ? Enfin, ultime lot de la collection Smadja, une paire de fauteuils « à la reine » à châssis d’époque Louis XVI, estampillée Claude Chevigny, estimée 300 000 euros, est montée à 1,2 million d’euros, la plus haute enchère de la collection. Pour Bill Pallot, il s’agissait « des plus beaux sièges qu’on ait vu passer sur le marché depuis bien longtemps ».
 

MOBILIER, VENTE DU 19 DÉCEMBRE - Experts : Adrien Meyer, Isabelle Bresset et Simon de Monicault - Résultats : 16,2 millions d’euros - Lots vendus/invendus : 497/73

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Caviar, canapé et petits-fours

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