Cartes sur table pour les Pinault

Une expertise judiciaire devra prouver la non-authenticité d’une table Boulle

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 8 novembre 2002 - 471 mots

Le couple Pinault demande l’annulation de la vente de la table Boulle provenant de la Fondation Salomon-de-Rothschild, achetée fin 2001 à Drouot au prix astronomique de 1,3 million d’euros. Une seconde expertise en cours devra confirmer la non-authenticité du meuble.

PARIS - Les époux Pinault, grands collectionneurs, aiment davantage acheter en ventes publiques que chez les antiquaires. Aussi livrent-ils souvent dans les arènes de Drouot un combat difficile contre les professionnels. Ce fut le cas le 14 décembre 2001 lorsqu’ils emportèrent pour 1,3 million d’euros au téléphone contre la salle une table à écrire en marqueterie Boulle d’époque Louis XVI estampillée Charles Joseph Dufour. La vente avait fait grand bruit à l’époque. En effet, le commissaire-priseur de la vente, Paul Renaud, dispersait un ensemble de tableaux, meubles et objets d’art apparemment de grande valeur et d’origine prestigieuse. Selon le catalogue, les lots provenaient “principalement d’une grande collection européenne”, sans autre précision. Mais de nombreux habitués, qui avaient remarqué les étiquettes d’inventaire de la famille Rothschild, étaient d’autant plus agités que les pièces proposées semblaient être largement sous-estimées par le cabinet Daguerre, expert de la vente. Les objets se sont tous envolés bien au-delà des prévisions et du raisonnable. Il fut par la suite révélé qu’ils furent volontairement cédés aux enchères avec beaucoup de discrétion par la Fondation Salomon-de-Rothschild (lire le JdA n° 142, 8 février 2002).La table, adjugée aux Pinault, est montée à plus de cent fois son estimation de 12 000 euros. Mais, selon plusieurs experts en mobilier interrogés après coup, il était pure folie d’avoir dépensé plus de 230 000 euros pour une pièce qui, de plus, avait subi des “accidents et restaurations”, comme la notice du catalogue le mentionnait. Des rumeurs couraient selon lesquelles la table n’était pas authentique. Aussi, les Pinault contestèrent immédiatement leur achat et refusèrent tout paiement. Maryvonne Pinault s’adressa alors à son ébéniste Michel Germond pour avis. Celui-ci, ayant examiné l’objet du litige une première fois, conclut à son authenticité, mais émit l’hypothèse de l’existence d’un renfort sous le plateau. Pour le vérifier, il fallait procéder au démontage de la table, ce qu’il fit. Quelle ne fut pas la surprise du spécialiste en découvrant un meuble transformé : le placage et le cuir de fabrication postérieure, les pieds d’époque Napoléon III, les bronzes redorés... Les Pinault ont alors déposé une demande d’annulation de la vente devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris. L’expertise réalisée par Michel Germont à la demande des Pinault n’étant pas recevable (car non contradictoire), le TGI a ordonné une expertise judiciaire le 26 juillet 2002. L’ébéniste Jean-Paul Jouan qui a été désigné pour cette mission, devrait rendre son rapport en janvier 2003. “Tout le monde a cru que cette table était ‘archibonne’, rappelle Paul Renaud, avant de conclure : les plus grands antiquaires ont sous-enchéri sur cet objet.”

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°158 du 8 novembre 2002, avec le titre suivant : Cartes sur table pour les Pinault

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