Mémoire

Au-delà du silence

Jusqu’au 8 janvier 2011, la galerie Jean Fournier, à Paris, remet en selle un peintre radical et intransigeant : Michel Parmentier

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2010 - 478 mots

PARIS - Décédé voilà tout juste dix ans, le peintre français Michel Parmentier est un grand méconnu. Le moins connu sans doute du groupe BMPT (Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni) brièvement formé de 1966 à 1967.

Le plus radical et intransigeant du cercle aussi, poussant l’austérité jusqu’à un silence qui dura quinze ans de 1968 à 1983. Aussi l’exposition que la galerie Jean Fournier dédie à ses peintures des années 1961-1968 est-elle la bienvenue, au moment où Buren expose, lui, ses hauts-reliefs chez Kamel Mennour (Paris).
Parmentier avait pourtant tout du peintre prometteur : la galerie expose deux tableaux précédant ses fameuses bandes. Il occultait alors la surface de la toile avec du papier journal ou argenté qu’il recouvrait de peinture, créant déjà insensiblement des bandes pour structurer l’espace. La présence même de ces œuvres tient du miracle, car Parmentier n’en a guère conservées. L’exposition saute toutefois immédiatement du côté des bandes alternées, en éludant les toutes premières obtenues au moyen de ruban adhésif et maculées de coulures. De 1965 à 1968, l’artiste peint donc des bandes horizontales de couleur de 38 cm de large, alternées avec des bandes blanches. Il plie en accordéon, agrafe la toile, bombe uniformément avec une peinture industrielle laquée, puis déplie. Un geste neutre, « aveugle », comme le souligne Alfred Pacquement, directeur du Musée national d’art moderne, à Paris. 

Lecteur de Blanchot
Ce procédé n’est pas sans évoquer les pliures de Simon Hantaï, dont Parmentier fréquentait l’atelier. On reconnaît aussi, dans cette quête de l’impersonnel, le lecteur de Maurice Blanchot. « Écrire, c’est entrer dans la solitude où menace la fascination. C’est se livrer au risque de l’absence de temps, où règne le recommencement éternel, écrit Blanchot dans L’Espace littéraire. C’est passer du Je au Il, de sorte que ce qui m’arrive n’arrive à personne, est anonyme par le fait que cela me concerne, se répète dans un éparpillement éternel. » Pour effacer toute trace de l’artiste et éviter toute connotation symbolique ou émotionnelle attribuée aux couleurs, Parmentier en change tous les ans. La bande bleue, visible immédiatement à l’entrée de l’exposition, date de 1966, les deux bandes grises de 1967, et les deux rouges de 1968. Une date à laquelle l’artiste arrête de peindre jusqu’en 1983, où il renoue avec les bandes tout en se restreignant à une seule couleur : le noir. Ce silence sans coquetterie, ponctué de diatribes acerbes contre le milieu de l’art, rappelle à nouveau le retrait de Hantaï. Le refus de Parmentier de poursuivre les bandes alternées, en variant couleurs et formats, signifie aussi le refus de la marque de fabrique. Un travers auquel n’ont pas su résister tous ses confrères. 

Michel Parmentier, Peintures 1961-1968,

Jusqu’au 8 janvier 2011, galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 42 97 44 00, www.galerie-jeanfournier.com, tlj sauf dimanche et lundi 10h30-12h30 et 14h-19h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°336 du 3 décembre 2010, avec le titre suivant : Au-delà du silence

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