Chine - Foire & Salon

Art021, leader en Chine

Par Michel Temman, correspondant au Japon · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2021 - 985 mots

SHANGHAÏ / CHINE

La foire de Shanghaï s’est imposée comme la plus importante foire d’art contemporain en Chine.

Une foule fluide, aux looks parfois clinquants, masque coloré sur le nez, se presse à la porte 3, côté Yan’an Road, du Shanghaï Exhibition Center, édifice de 93 000 mètres carrés légué à la Chine par les Soviétiques en 1955 pour célébrer « l’amitié sino-soviétique ». Une bizarrerie néoclassique et une extravagance calquée sur l’amirauté de Saint-Pétersbourg. Les visiteurs, venus nombreux malgré les restrictions sanitaires – tous ont dû faire un test PCR –, passent les portiques de sécurité et gagnent au pas de course le palais abritant pour quatre jours Art021, premier salon d’art contemporain privé en Chine.

Art021 revient pourtant de loin. « Au tout début, moins de trente galeries à peine étaient présentes, contre cent trente-quatre aujourd’hui », se remémore Bao Yifeng, cofondateur de la manifestation. Désormais, c’est la foire d’empoigne pour rejoindre Art021. Car s’inscrire ne suffit pas : encore faut-il être retenu et invité par le comité de sélection. En fin de compte, de grands noms (David Zwirner, Perrotin, Gagosian, Almine Rech, White Cube) côtoient sur le salon des voisins plus discrets.

« Sentir le pouls du marché »

« C’est la sixième fois que nous sommes à Art021, explique Li Xi, directrice en Chine de la galerie américaine Gagosian, qui proposait cette année, sur ses murs immaculés, Damien Hirst, Georg Baselitz, Rudolf Stingel ou le jeune peintre Jia Aili – le « Delacroix chinois » aux toiles monumentales cotées 1 million de dollars. On est ici au cœur du moteur et de l’écosystème du secteur en Chine, en direct et proactifs avec les collectionneurs pour cerner leurs envies. Art021 nous aide à sentir le pouls du marché. »

Dans le dédale du salon, la galerie Bank (Shanghaï) est aussi une habituée. Elle a vendu très vite cette année les œuvres des artistes Lin Ke, Tim Crowley, Nik Kosmas, Michael Lin ou Jin Shan. « Art 021 est de loin, avec Westbund, la plus importante foire en Chine continentale en raison du calibre de ses galeries, artistes et acheteurs participant aussi à l’avalanche d’événements satellites, “talks”, conférences, dîners et autres, précise Mathieu Borysevicz, son fondateur. Même son de cloche chez Danysz Gallery, établie en Chine depuis 2012. « Art021 est devenu un rendez-vous prescripteur de tendances, observe Pierre Martinez, son directeur. Les ventes en témoignent : le public chinois est de plus en plus friand de noms étrangers. »

Design et art contemporain

Mais si Art021se distingue, c’est aussi grâce à son éclectisme. Peinture, sculpture, photographie, mobilier d’intérieur, objets d’art et de design, tapisseries, éclairages modernistes s’y côtoient en un joyeux cocktail. Chez Objective (Shanghaï), espace immersif et phénomène remarqué lors du récent Design Miami Podium x Shanghaï, la table ronde en calcaire de Steven John Clark jouxte les appliques murales en céramique de Natalia Landowska et les chaises en chêne de l’Américain Ian Felton. « Art021 attire les jeunes collectionneurs chinois intéressés par notre approche narrative liant l’art et le design », explique Ansha Jin, directrice d’Objective.

Un enthousiasme que le Français Olivier Hervet, directeur associé en Chine de la galerie HdM, tempère : « Malgré les succès, les achats étaient cette année moins frénétiques que l’an passé. Des collectionneurs ont été rebutés par les tests PCR – certains, de Pékin, ne sont pas venus. Les mauvaises performances récentes de la Bourse ont aussi un impact. Néanmoins, Art021 reste un rendez-vous majeur et le seul, avec Westbund, qui soit vraiment international. Pour les galeristes étrangers, c’est une opportunité de ventes essentielle. »

« Shanghaï a tenté durant vingt ans de monter de grandes foires d’art, confie Lorenz Heilbling, fondateur de la galerie ShanghArt et l’un des pionniers de l’art contemporain en Chine. La ville y est enfin parvenue, avec Art021 et également Westbund. L’émulation entre les deux foires tire le marché vers le haut. Les galeries et les musées de Shanghaï ouvrent à tour de bras. »

Trois questions à... BAO YIFENG, cofondateur d'ART02

« Un désir permanent de nouveauté »

Passionné d’art contemporain, l’entrepreneur et collectionneur, Bao Yifeng, 49 ans, directeur général de l’agence d’événements Activation Liquid, coté à la Bourse de Hongkong, a cofondé Art021 en 2013, avec ses partenaires Kylie Ying et David Chau.


Comment le salon Art021 est-il né et comment s’est-il développé ?

Quand nous avons débuté, en 2013, l’idée était d’importer en Chine des expositions de France, des États-Unis… Quand la foire SH Contemporary a pris fin. Shanghaï étant très cosmopolite, on s’est dit, avec mes partenaires, que la ville avait besoin d’une nouvelle foire d’art contemporain. On en a créé une en trois mois, sur le Bund, le premier Art021, avec vingt-neuf galeries. Et on ne s’est plus arrêtés. En 2015, on s’est installés dans le carré urbain du Rock Bund, avant de conquérir le Shanghaï Exhibition Center, au centre-ville, à deux pas du métro, des grands hôtels, cafés et restaurants. Les gens n’accourent pas seulement à Art021 pour acquérir des œuvres d’art, ils viennent aussi montrer un style de vie.


Quels sont les fondamentaux d’Art021 ?

Le mot-clé, c’est la créativité. Nous avons nos critères de qualité et des références : la Fiac à Paris, Art Basel Hongkong ou Frieze London. Nous réfléchissons aussi sans cesse à ce qui intéresse les Chinois, à ce qui attire leur regard. Nous adaptons notre modèle aux mentalités. Avec mes partenaires, nous sommes pris dans une course de haut niveau : peut-être en avance sur les autres et toujours en coureur solitaire. Aussi innovons-nous constamment. Car à Shanghaï, à Pékin ou à Shenzhen, le désir de nouveauté est permanent.


Quelles sont les conséquences de la crise du Covid ?

Avec cette pandémie, les gens ne voyagent plus et ont besoin de combler un vide. Depuis deux ans, nous avons eu la chance de maintenir Art021, avec presque autant de galeries chinoises et étrangères – 40 % des galeries présentes sur Art021 cette année étaient étrangères et 50 % d’entre elles ont déjà un pied en Asie, à Hongkong, Singapour ou Shanghaï.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : Art021, leader en Chine

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