Foire & Salon

New York

The Armory Show, en couleur et en retenue

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 14 mars 2017 - 728 mots

Plaisant à visiter sans être ébouriffant, le salon proposait des stands sans risque dans un marché marqué par l’attentisme.

NEW YORK - Le marché de l’art new-yorkais est inquiet. Voilà l’impression laissée par la semaine au cours de laquelle s’est tenue, du 2 au 5 mars, la 18e édition de l’Armory Show. Avec l’arrivée aux commandes de Benjamin Genocchio s’est poursuivie la mue engagée par son prédécesseur, Noah Horowitz, passé à la tête d’Art Basel Miami Beach. La foire ne pique plus les yeux comme il y a quelques années et les accrochages y sont beaucoup plus tenus ; même White Cube (Londres), aux stands traditionnellement surchargés, avait opté là pour une sobre retenue à travers une élégante présentation d’œuvres de Cerith Wyn Evans.

C’est une forme d’exubérance contenue qui cette année semblait présider à de nombreux stands, avec beaucoup de travaux colorés et commerciaux. Ce qui n’empêchait pas les propositions de qualité, telle la confrontation orchestrée par Bernard Ceysson (Paris) entre des peintures très fraîches de Claude Viallat et une jeune garde américaine énergique. À propos du regain d’attention pour Viallat et Supports-Surfaces aux États-Unis le directeur de la galerie, Loïc Bénétière, commentait : « Les Américains regardent désormais cela comme un groupe contestataire et très politisé, mais pour leurs collections c’est l’aspect très coloré voire matissien qu’ils privilégient. »

Or de la couleur il n’en manquait pas sur le salon justement, couleur plus ou moins subtile. La palme en la matière revenait au stand de Kayne Griffin Corcoran (Los Angeles) sur lequel vibrionnaient deux installations de James Turrell auxquelles faisaient face des tableaux de Mary Corse incorporant des microbilles de verre. Mais, ainsi que le relevait un participant : « Il est difficile ici de vendre des œuvres réflexives ou trop compliquées. Ce qui marche, ce sont les choses colorées, et il faut bien avouer que beaucoup viennent chercher de la déco. »

Surtout, l’Armory Show souffre toujours de ce qui pourtant fait sa force : son ancrage new-yorkais, en plein Manhattan. Boudée par l’écrasante majorité des grandes enseignes locales qui jouent à domicile dans de somptueux espaces, elle peine dès lors à gagner en légitimité, même si elle est très appréciée des collectionneurs qui s’y pressent en nombre. Des amateurs qui semblent cette année pourtant avoir joué la retenue. Chez nombre d’exposants le refrain était le même en fin de semaine : une multitude de contacts, mais le plus souvent un faible niveau de ventes.

Le choix de la sécurité
Cette atmosphère à l’attentisme se retrouvait d’ailleurs dans les accrochages des galeries de Chelsea, très sages pour ne pas dire ennuyeux. Soumis à une flambée des prix de l’immobilier qui, à terme, pourrait fort bien conduire à une redéfinition du modèle des galeries new-yorkaises, les acteurs du secteur optent pour la sécurité, avec des propositions classiques comme le bel accrochage de Vija Celmins chez Matthew Marks ou l’exposition presque muséale d’Alice Neel chez David Zwirner. La proposition la plus enlevée et hors des clous étant sans doute celle de Paul Chan chez Greene Naftali.
C’est que, confiait Emmanuel Perrotin, qui doit prochainement ouvrir son nouvel espace dans le Lower East Side : « Vu le prix du mètre carré, il est pour les galeries de plus en plus difficile de montrer des jeunes artistes à New York. » Comprendre : les gros prix sont indispensables au maintien d’une activité.

Alors qu’Anton Kern vient de déménager pour un espace moins onéreux situé Midtown, LA nouvelle de la semaine fut celle de la fermeture prochaine de la galerie Andrea Rosen, pourtant pas la plus petite joueuse du circuit. Si les raisons n’ont pas été énoncées, peut-être ont-elles à voir avec la complexité croissante du métier, où les têtes de gondole ont tendance à être aimantées par les plus grosses enseignes, comme l’a montré le récent transfert de Wolfgang Tillmans, passé d’Andrea Rosen à David Zwirner.

L’ambiance était bien sage également sur le salon Independent (du 2 au 5 mars), où une sécurité morne était de mise. Hormis quelques envolées comme le solo show dévolu à Michel Journiac par Christophe Gaillard (Paris) ou le bel accrochage André Cadere pensé par Hervé Bize (Nancy), nombre de jeunes enseignes proposaient des formes resucées à l’envi tandis que des galeries très établies étaient manifestement là pour rafraîchir leur image sans faire de vagues.
Décidément, ce ne fut pas une folle semaine.

Légende photo

Yayoi Kusama, Guidepost to the New World, 2016, vue de l'installation sur le stand de la galerie Victoria Miro à l'Armory Show, New York. © Photo : BFA, courtesy The Armory Show.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°475 du 17 mars 2017, avec le titre suivant : The Armory Show, en couleur et en retenue

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