« Archaïsme » éclectique

La galerie Rachlin-Lemarié expose l’art primitif

Le Journal des Arts

Le 19 décembre 1997 - 669 mots

Ouverte depuis treize mois, la galerie Beaubourg-Art primitif organise sa troisième exposition. Après “Initiation et sacrifice”? en 1996 et “De l’usage et du sacré”? au printemps dernier, Johann Levy présente “Archaïsme”? : un ensemble très éclectique. Ce jeune antiquaire passionné par l’Afrique de l’Ouest nous fait découvrir une quarantaine d’objets, non seulement africains, mais aussi d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est. Provenant pour la plupart de collections privées, ils sont proposés dans une gamme de prix allant de 1 500 à 120 000 francs.

PARIS - "Un galeriste n’est pas un simple commerçant, il joue aussi le rôle de montreur". Après trois années d’apprentissage chez l’un des plus grands marchands parisiens, Johann Levy est parti rouler sa bosse en Amérique du Sud, puis en Afrique de l’Ouest. Le temps nécessaire pour fouiller le sous-sol de quelques pays comme la Guinée, le Liberia ou la Sierra Leone, et surtout d’y nouer de solides contacts. Le seul moyen, selon ce jeune antiquaire, d’obtenir des pièces de qualité, car “la véritable difficulté pour un marchand,est de trouver de bons objets, qui soient anciens et sains”.

La qualité n’est pas le seul critère de sélection pour ce passionné, formé à l’école du terrain et qui fonctionne essentiellement au coup de cœur. “J’achète d’abord avec ma sensibilité”, comme les quelques pièces archéologiques qui sont exposées ici. Un pendentif Taïno du XIIIe ou XIVe siècle rappellera aux amateurs l’exposition qui s’est tenue en 1994 au Petit Palais. L’authenticité de cette amulette (22 000 francs), qui provient de l’actuelle République dominicaine, a été certifiée par le spécialiste américain Robert Soning. Un gobelet inca en bois du XVe ou XVIe siècle (18 000 francs) complète cet aperçu du continent sud-américain. Issu d’une collection américaine, cet objet sur lequel est sculptée une chauve-souris d’un rare réalisme était destiné aux castes supérieures.

Objets d’Afrique de l’ouest
Quittant les Andes pour le Népal, le visiteur découvrira trois Gardiens de pont ou de source du début du XXe siècle (9 000, 10 000 et 12 000 francs). Destinés à éviter l’empoisonnement de l’eau ou la disparition d’une voie de communication, ces statuettes bénéficient d’un pouvoir divin qui détermine leur fonction protectrice, tout comme le bois Jorhaï qui gardait l’entrée des cimetières de ce peuple de montagnards du nord du Viêt-nam (75 000 francs). D’aspect anthropomorphe, ce tronc d’arbre a été succinctement sculpté puis fiché en terre pour subir l’érosion de la pluie et du vent.

Généralement plus travaillés, les objets africains sont également plus nombreux. Tous proviennent de l’Afrique de l’Ouest, lieu de prédilection de Johann Levy. Un buste Mende du XIXe siècle (40 000 francs) vient ainsi de Sierra Leone. Hormis ses qualités esthétiques intrinsèques, il présente la particularité d’avoir été réalisé pour l’une des rares sociétés secrètes féminines : les Bundu. Un masque réalisé au Nigeria au début du XXe siècle (70 000 francs) est remarquable par sa forme et la qualité du traitement. Il s’agit de l’un des quatre exemplaires Mumuyé connus à ce jour : l’un est conservé au Musée des arts d’Afrique et d’Océanie, les deux autres sont dans des collections privées américaine et parisienne.

Un masque Bassa de la fin du XIXe siècle (40 000 francs) vient encore du Liberia. Sa forme plus ronde et moins angulaire en fait tout l’intérêt et révèle l’influence de la culture Dan, ethnie de la Côte-d’Ivoire voisine. Porté à la hanche par les Obas, un autre masque (50 000 francs) a été trouvé dans l’ancien royaume d’Owo, au Nigeria. De bronze et laiton, il confirme que l’influence du royaume du Bénin dépassait les frontières de l’actuelle République populaire. Enfin, deux objets provenant de l’ancienne collection Arman concluent ce parcours: une harpe Zandé (80 000 francs), ramenée du Zaïre par Louis Kotlin dans les années trente, et une chaise Tchokwe (120 000 francs), fabriquée par un grand sculpteur d’Angola.

ARCHAÁ?SME, exposition-vente du 5 au 31 décembre, galerie Rachlin-Lemarié Beaubourg-Art primitif, 22 rue du Renard, 75004 Paris, tél. 01 44 59 27 25, tlj sauf dimanche et lundi 10h30-13h30 et 14h30-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : « Archaïsme » éclectique

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