Analyse : les house sales

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 septembre 2003 - 698 mots

Une potiche chinoise tutoie une commode XIXe, une bergère de style se love sous une gravure de mode tandis qu’on entrevoit par la fenêtre la pelouse impeccablement tondue du propriétaire des lieux. Le décor pour la house sale est planté. In situ ou dans la maison de vente, les dispersions des contenus de résidences ont la cote.

Les dernières ventes de mobilier et objets d’art de Christie’s France mettaient à l’honneur l’éclectisme des demeures parisiennes. Dans l’esprit, elles s’apparentaient au genre hautement prisé des house sales. Les maisons de vente anglo-saxonnes ont développé depuis une vingtaine d’années ce principe, décliné en trois variantes : vente in situ dans le cadre prestigieux d’un château ou cosy d’une gentilhommière, contenus d’appartements transposés dans les lambris des maisons de vente (in-house house sale pour les avertis), enfin reconstitution de pièces à partir d’objets issus d’une ou plusieurs successions.
Qu’il s’agisse de la colossale dispersion Thurn und Taxis en 1993 (Sotheby’s, 19,2 millions de dollars), de l’épique Baden-Baden en 1995 (Sotheby’s, 54,7 millions de dollars), de Groussay en 1999 (Sotheby’s – Poulain Le Fur, 167 millions de francs) ou du Castello del Duino en 1997 (étude Beaussant-Lefèvre, 30 millions de francs), les ventes de collections in situ charrient une grande curiosité médiatique. La magie du lieu contribue à valoriser des objets qui relèvent parfois davantage de la décoration que de la collection pure. Le bréviaire des pedigrees masque la moisson annuelle des ventes moins tapageuses effectuées dans les campagnes anglaises. « On peut décider de faire les ventes in situ, pour le charme, mais aussi pour des raisons opérationnelles. On oppose l’éventuel tracas pour les acheteurs de se déplacer au plaisir qu’ils peuvent éprouver à voir les objets sur place. En Angleterre, les house sales constituent l’attraction du week-end », explique Emmanuelle Vidal, directeur du développement de Christie’s France. « Il n’est pas intéressant d’organiser ce type de vente pour des contenus inférieurs à 1 million de livres, car on doit transférer la logistique à la campagne. L’intérêt est qu’on peut vendre toutes sortes d’objets, même des articles qu’on ne pourrait présenter dans une vente traditionnelle à Londres », rajoute James Miller, responsable du département House sales de Sotheby’s. Les résultats obtenus par Christie’s varient de 4 millions de livres en 1983 pour la résidence de madame Tritton dans le Kent à 258 433 livres en 1996 pour une maison dans le Dorset. Sotheby’s détient la palme avec deux records obtenus successivement avec Benacre Hall (8,3 millions de livres en mai 2000) et Thornton Manor (9,6 millions de livres en juin 2001).
Les ventes de contenus d’appartements que Christie’s et Sotheby’s organisaient autrefois à Monaco battent aujourd’hui leur plein à Paris. Le succès de ces vacations ne se dément pas puisqu’elles affichent en moyenne des taux de vente entre 80 % et 90 % aussi bien en terme de lots que de valeur. Ce succès tient pour une bonne part au goût du marché actuel pour les objets de charme.
En mai 2003, la collection d’un amateur dispersée par Christie’s a rencontré un bon accueil, totalisant un produit supérieur à 2 millions d’euros. En octobre 2002, la vente du contenu d’un appartement décoré par Alberto Pinto avait déjà obtenu 1 million d’euros. Dans cette veine, Sotheby’s Paris proposera le 15 octobre prochain le contenu de la résidence monégasque de Barbara Johnson, épouse du président de la firme de produits pharmaceutiques Johnson & Johnson.
Depuis février 2002, Christie’s a lancé une variante new-yorkaise au concept huilé : dix ventes annuelles  brassent quelques 500-600 lots, issus pour la plupart du département Trust (succession), dans une fourchette de 3 000 à 30 000 dollars. Elles affichent une coquette réussite avec une moyenne entre 1 et 2,5 millions d’euros. « Ces nouvelles house sales ont été initiées par le département inventaire pour répondre à la demande des héritiers qui exigent un service de vente rapide. Ces dispersions conviennent aussi au goût d’une clientèle qui aime chiner. Il ne s’agit pas de brocante, mais de pièces décoratives de qualité », rappelle Emmanuelle Vidal. Cette stratégie témoigne du rebond des maisons de ventes qui, contre raréfaction font bon cœur, en optant pour un pragmatisme très « tendance ».

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Analyse : les house sales

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