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ART CONTEMPORAIN

Alberola en rébus majeur

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 10 juin 2021 - 512 mots

PARIS

Accompagnés de bribes de motifs, les noms des Stones, de Kafka ou de la reine d’Angleterre jalonnent les séries réalisées ces quinze dernières années par Jean-Michel Alberola et présentées à la Galerie Templon.

Paris. Jean-Michel Alberola (né en 1953) a fait de la complexité son cheval de Troie depuis de nombreuses années. Complexité de lecture, de sens, de compositions, de formes, de jeux avec la couleur, de réminiscences, références et clins d’œil de tous cils. Cette quinzième exposition de l’artiste chez Templon depuis 1982 n’échappe pas à ce qui est devenu, au fil du temps, une véritable profession de foi. Pour ceux qui en douteraient encore, Alberola a repeint le mur central de la galerie en bleu : à même la couleur, il a écrit en lettres noires « Le seul état de mes idées », phrase illustrée par différents motifs juxtaposés que l’on retrouve sur les autres cimaises, et la tête d’un personnage remplacé par un parallélépipède blanc aux contours irréguliers comme s’il s’agissait d’un papier découpé. Tout un programme.

Couleur du pouvoir/pouvoir de la couleur

Le joli titre, énigmatique, de l’exposition, « Le roi de rien, la reine d’Angleterre et les autres », contribue à cette perte de repères. Il correspond aux différentes séries présentées qui, telle une mosaïque, composent l’ensemble. De la première, « Le roi de rien », commencée il y a quinze ans et pour laquelle l’artiste ne peint que très peu d’œuvres par an, sont ici accrochées trois toiles récentes montrant un personnage assis (le roi), pieds nus, parfois sans tête, entouré d’un décor à demi effacé, une architecture, une chaise, un paysage comme autant de prétextes à des pans de peinture. La deuxième série, toute récente, évoque Elizabeth II dans des portraits métonymiques puisqu’il s’agit de monochromes inspirés par ses tenues vestimentaires et l’harmonie des couleurs des accessoires qui les accompagnent. Une façon d’incarner la monarchie par la monochromie, et pour Alberola, de réfléchir à la question du pouvoir, de la couleur, du pouvoir de (par) la couleur. Et du pouvoir des mots puisque le nom de la reine est écrit en lettres majuscules. Sur une lithographie accrochée à l’entrée comme un incipit est d’ailleurs écrit « La question du pouvoir est la seule réponse ».

Des mots et des noms, on en retrouve dans la série « Surfaces sonores » reprenant le titre de morceaux de musique et le nom de leurs auteurs, Grateful Dead, Thelonious Monk…, qu’affectionne l’artiste, ou encore dans la série consacrée à Kafka, avec trois tableaux correspondant à trois maisons où l’écrivain a habité. Autant de fragments, détails, connexions, bris, bribes et pistes qui constituent un rébus, un puzzle, un labyrinthe dont le but n’est pas d’en sortir mais plutôt de s’y perdre.

Entre 12 000 et 60 000 euros pour les toiles et entre 5 000 et 25 000 euros pour les papiers (la lithographie la moins chère ici est à 600 euros), les prix n’ont rien d’excessif pour un artiste à part, secret, à la carrière déjà longue, très reconnu par d’autres artistes et par de nombreuses institutions mais indifférent au marché et dont la production est rare.

Jean-Michel Alberola, Le roi de rien, la reine d’Angleterre et les autres,
jusqu’au 17 juillet, Galerie Templon, 30, rue Beaubourg, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°569 du 11 juin 2021, avec le titre suivant : Alberola en rébus majeur

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