Lyon septembre de la photographie au centre d’un bras de fer entre la DRAC et la ville

Par Fabien Simode · lejournaldesarts.fr

Le 15 septembre 2010 - 907 mots

LYON [15.09.10] – La biennale de photographie lyonnaise a vu son budget diminuer de moitié entre 2008 et 2010. En cause : le départ d’un important mécène ainsi qu’un différend qui oppose l’État et la ville de Lyon sur l’ouverture d’un lieu permanent dédié à la photographie en Rhône-Alpes.

C’est une équipe soulagée mais désenchantée qui a inauguré, jeudi 9 septembre, la sixième édition de Lyon septembre de la photographie, biennale de photographie lyonnaise créée en 2001. Le départ d’importants partenaires financiers est à l’origine des difficultés que traverse la manifestation. « Jusqu’au dernier moment, nous avons cru ne jamais pouvoir y arriver », confie Manuèle Debrinay-Rizos, présidente de l’association organisatrice, visiblement épuisée par plusieurs mois de négociations. Et pour cause : le budget de Lyon septembre de la photographie est passé de 120 000 euros en 2008 à moins de 60 000 euros en 2010 selon les organisateurs.

Le Coup de grâce, magazine culturel en Rhône-Alpes, tirait pourtant la sonnette d’alarme il y a plusieurs mois dans un article intitulé : « Un festival en danger ». À cette époque, BMW, mécène de la photo en France qui, en 2008, avait apporté 30 000 euros à la manifestation lyonnaise, annonçait son départ. Selon le magazine, la désaffection de BMW serait la conséquence d’un « amateurisme » de la part de la ville de Lyon qui n’aurait apporté « aucune réponse » au constructeur allemand qui souhaitait pérenniser son soutien, mais à certaines conditions.

Le malheur des uns faisant souvent le bonheur des autres, BMW devait rejoindre les rangs des partenaires des Rencontres d’Arles dès 2010.

Dans le même temps, Lyon biennale de la photographie enregistrait la perte d’autres partenaires, parmi lesquels la Biennale de la danse à Lyon et la Direction régionale des affaires culturelles. Cette dernière n’a pas souhaité renouveler son aide apportée en 2008 à hauteur de 11 000 euros.

Pour ses organisateurs, Lyon septembre de la photographie ferait les frais d’un différend qui oppose l’État et la ville sur la création d’un lieu dédié à la photographie à Lyon. « Nous sommes pris en otages dans cette affaire, sans que nous ne puissions rien faire », déplore ainsi Manuèle Debrinay-Rizos.

Contactés, Michel Griscelli et Alain Rérat , conseillers pour les arts plastiques de la DRAC Rhône-Alpes, nuancent toutefois le tableau, rappelant que la DRAC a apporté son soutien financier à la biennale lyonnaise pour la première fois en 2008, et que « cette aide s’inscrivait dans une réflexion globale engagée à la demande de la Ville au début de l’année 2007, visant à professionnaliser l’événement ». Parallèlement, « [La DRAC] a également fait valoir de façon très explicite le principe d’un engagement conditionné de l’État, qui dépasserait le seul cadre budgétaire et aurait pour ambition de préfigurer, à travers conseils et expertise, la création d’un lieu permanent (de type centre d’art) voué à la photographie à Lyon ». Cette réflexion avait notamment débouché sur une exposition d’un choix de photographies opéré dans les collections du Fnac sous le dôme de l’hôtel-Dieu en septembre 2008.

Mais voilà : « L’année 2009 n’a malheureusement pas permis aux partenaires de l’association de s’engager résolument dans la poursuite de cette préfiguration [d’un lieu permanent], déclarent messieurs Griscelli et Rérat. C’est l’une des raisons essentielles qui expliquent la non-reconduction du soutien financier de la DRAC en 2010, les réelles contraintes budgétaires auxquelles elle a été confrontée réduisant par ailleurs ses moyens d’intervention. »

Car si les collectivités locales acceptent a priori de se doter d’un lieu dédié à l’image fixe dans la ville qui a vu naître l’autochrome des frères Lumière et, en 1978, la Fondation nationale de la photographie, elles refusent de supporter seules la facture d’un projet qui, reconnaît la DRAC, « n’existe pas réellement ».

Sur le fond, Gilles Verneret, directeur artistique de Lyon septembre de la photographie, s’appuyant sur les 73 000 visiteurs venus voir les expositions en 2008, soutient les ambitions de la DRAC : « L’État a raison d’encourager l’ouverture d’un lieu sur la photographie dans la deuxième ville de France. Il y a un public à Lyon et une passion pour la photographie, qui est parfois plus facile à aborder que l’art contemporain. Mais il pourrait essayer de nous aider. La biennale ne peut pas s’impliquer politiquement dans cette affaire. »

Résultat, Lyon septembre de la photographie 2010, placée sous le signe de l’Amérique d’aujourd’hui (« US TODAY AFTER »), s’ouvre sur une programmation certes de qualité, mais dont l’ambition artistique a été revue à la baisse. « J’avais prévu un commissariat avec vingt photographes américains. À l’arrivée, ils ne sont que huit et nous n’avons pu en inviter que quatre seulement pour l’inauguration. C’est un peu triste », regrette Gilles Verneret qui n’est pas pour autant découragé par les deux années écoulées : « Pour la prochaine édition, il faut que nous changions de système, que nous soyons davantage soutenus, notamment à Paris. »

En attendant cette prochaine édition, dont le thème pourrait s’arrêter sur la Méditerranée, on conseillera aux passionnés d’aller visiter la vingtaine d’expositions disséminées dans la ville. L’émouvant reportage réalisé par Paul Fusco en 1968 sur la foule venue rendre un dernier hommage à Robert Kennedy, dont le corps était transporté dans un train funéraire de New York à Washington, ou le portrait sans « phares » des Américains photographiés à leur insu dans leur voiture réalisé par Andrew Bush méritent à eux seuls le déplacement à Lyon.

Légende photo

Andrew Bush - "Woman waiting to proceed south at Sunset and Highland boulevards, Los Angeles, at approximately 11:59 a.m. one day in February 1997" - Série "Vector Portraits"- Digital C-Print - © Andrew Bush, Courtesy Yossi Milo Gallery, New York and Julie Saul Gallery - New York

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