Histoire de l'art

À Londres les Kabakov immergent le visiteur dans l'ère soviétique

Par Alexia Lanta Maestrati · lejournaldesarts.fr

Le 22 décembre 2017 - 600 mots

LONDRES (ROYAUME-UNI) [22.12.17] - La Tate Modern accueille une rétrospective du duo d’artistes Emilia et Ilya Kabakov très marquée par la distance critique du couple à l’égard du régime soviétique.

Le couple russe organise sa première exposition d’envergure au Royaume-Uni. En France, les Kabakov sont notamment connus pour leur installation dans la nef du Grand Palais lors de l’édition 2014 de Monumenta : L'Étrange cité d’Ilya et Emilia Kabakov. Ilya Kabakov et Emilia Lekach sont nés en Ukraine respectivement en 1933 et 1945. Ilya a été un illustrateur de livres pour enfants, et Emilia musicienne professionnelle et critique d’art, le duo a commencé à produire ensemble dans les années 1980.

Créateur d’espaces, le travail des Kabakov se nourrit du réalisme social et de la culture visuelle du monde soviétique. Leur travail questionne l’art : sa place dans la société et sa capacité à changer notre monde. La société soviétique est leur première source d'inspiration, mais ils se sont situés en marge de l’art officiel ; plus tard vivant à New York, leur travail prend une dimension internationale.

En parcourant les neuf salles de l’exposition, le visiteur saisit rapidement la démarche des Kabakov; celle d'utiliser l’espace institutionnel pour créer des mondes. Un des thèmes de prédilection des Kabakov est l’art et son histoire, comme en témoigne l'installation Tout le monde ne sera pas du voyage vers le futur (Not Everyone will be Taken into the Future). Le titre de l’exposition et de l’installation est un hommage à l'essai éponyme de Kazimir Malévitch qui rappelle que très peu d’artistes laisseront une trace dans l’histoire de l’art. Dans une atmosphère morne et angoissante, un train est parti ou va partir, emportant tous ceux qui iront dans le futur en laissant de côté un amas de toiles. L'installation questionne la place de l’artiste dans la société ainsi que celle de l’art, qui à cette époque, était largement utilisé comme outil de propagande et soumis à la censure.

Au coeur de l’exposition : Labyrinth (My Mother’s Album),1990, plonge le spectateur dans un voyage labyrinthique constitué de fragments autobiographiques. Le grand couloir sombre et sinueux est une expérience immersive, pour Ilya, il s’agit métaphore sur la vie qu’offrait l’URSS. Sur les murs, une enfilade de tableaux, tous sur le même schéma : une photo d’architecture prise par l’oncle d’Ilya et un texte de la mère d’Ilya. Consacrée à la mémoire de sa mère, Bertha Urievna Solodukhina de confession juive, a connu l’antisémitisme et la pauvreté. A la fois hommage à sa mère et à toutes les femmes de la société soviétique, l’oeuvre est accompagnée d’une chanson d'enfance interprétée par Ilya et finit sur une pièce étriquée, remplie de débris. Labyrinth porte une forme de résilience face au traumatisme infligé par un régime politique des plus strictes. La notion d’utopie et de désillusion est centrale dans le travail des Kabakov, notamment en rapport à l’apogée et au déclin du régime soviétique et de ses idéaux.

L’automne 2017 marquait le centenaire de la révolution bolchevique d'Octobre 1917, cette rétrospective est à mettre en lien avec Red Star Over Russia: A Revolution in Visual Culture 1905-1955 - exposition se trouvant, à quelques pas, dans l’extension de la Tate. Cette dernière, trace les évolutions en terme de production artistiques et de dissémination durant la première partie du XXeme siècle dans l’ex-URSS, et se clôture sur les premiers dessins d’Ilya Kabakov.

Tate Modern

« Ilya and Emilia Kabakov, not everyone will be taken into the future » du 18 Octobre 2017 au 28 Janvier 2018

« Red Star Over Russia, A revolution in Visual Culture 1905-55 » du 8 Novembre 2017 au 25 Février 2018

Thématiques

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque