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L’ICA Miami fait peau neuve

Par Stéphane Renault · Le Journal des Arts

Le 4 janvier 2018 - 1163 mots

Le nouvel Institute of Contemporary Art de Miami qui vient d’ouvrir a invité pour son inauguration une cinquantaine d’artistes contemporains, de Picasso à Tetsumi Kudo, dans une exposition explorant leur environnement et leurs méthodes de travail.

Miami. Avec un parfait sens du calendrier, le nouvel Institute of Contemporary Art (ICA) de Miami inaugurait le 1er décembre son nouveau bâtiment permanent, quelques jours seulement avant l’ouverture des portes de la 16e édition d’Art Basel Miami Beach. Propice aux vernissages, ce moment de l’année aimante vers le soleil de Floride le monde de l’art et les collectionneurs - américains et sud-américains, tout particulièrement. D’autres musées, le Bass, qui rouvrait lui aussi après deux ans de travaux, ou le Pérez Art Museum Miami (PAMM), profitaient de la Miami Art week pour dévoiler leurs nouveaux accrochages, à l’instar des collections Rubell, Margulies, De la Cruz ou de la CIFO (Cisneros Fontanals Art Foundation).

Créé en 2014, l’ICA Miami était jusqu’ici installé dans le Moore Building, édifice historique situé non loin de l’actuel site. Dans son nouvel écrin à la façade métallique, l’exposition inaugurale, intitulée « The Everywhere Studio » propose un parcours chronologique au fil d’une centaine d’œuvres, rassemblant plus de cinquante créateurs, sur le thème de l’atelier d’artiste, de l’après-guerre à aujourd’hui. À travers ce prisme - les conditions sociales et historiques de réalisation des œuvres - l’exposition donne à voir, entre autres, Pablo Picasso, Bruce Nauman, Carolee Schneemann, Dieter Roth, Andy Warhol, Martin Kippenberger, Cheryl Donegan, Elaine Sturtevant, Anna Oppermann, Tetsumi Kudo, Andrea Zittel, Neïl Beloufa ou encore Laure Prouvost. Autant de figures notoires, prétextes à examiner les relations changeantes que les artistes n’ont cessé d’avoir avec leur lieu de production. Ou comment, en réponse à des influences socio-économiques en perpétuelle évolution, d’aucuns ont su inventer de nouveaux modes de travail et de vie ayant essaimé par la suite dans la société.

« “The Everywhere Studio” montre comment les artistes inventent et représentent des façons de travailler, jusqu’à être à l’origine de changements sociaux, industriels et économiques, explique Alex Gartenfeld, directeur adjoint et conservateur en chef. L’exposition marque un tournant. C’est la première fois dans l’histoire de l’ICA Miami que nous disposons de l’espace nécessaire pour confronter des œuvres historiques et récentes et tisser des liens entre une pratique artistique contemporaine, la vie et la société. » L’exposition inaugure les espaces des deuxième et troisième étages. Le premier étage et le jardin de sculptures sont investis par des installations d’œuvres d’art contemporain et d’après-guerre, issues de la collection ­permanente, pour certaines commissionnées pour l’occasion. S’y ajoute un espace spécifique, consacré aux artistes émergents.

Un espace agrandi pour un engagement plus fort
À nouveau site, nouveaux moyens. Cette ouverture en fanfare entend mettre en exergue l’ambition du musée : développer dorénavant des expositions d’envergure avec un fort parti pris. L’idée étant de créer des dialogues intergénérationnels entre artistes contemporains et ceux d’après-guerre, tout en se faisant l’écho des modes de narration mis en œuvre par les artistes actuels. Pour Ellen Salpeter, nouvelle directrice du musée et anciennement au Jewish Museum à New York après avoir présidé aux destinées de Thread Waxing Space, rapidement devenu l’un des espaces sans but lucratif les plus dynamiques de la scène culturelle de Manhattan, jusqu’à sa fermeture en 2001 : « Le programme inaugural de l’ICA Miami reflète notre mission, qui consiste à montrer les œuvres des artistes les plus novateurs et expérimentaux de notre temps. Le nouveau bâtiment nous permet d’approfondir notre relation avec les publics de tous âges et toutes origines dans la région. La scène artistique contemporaine à Miami est vaste et diverse, l’engagement dans les arts prend de l’ampleur. Les musées représentent des ressources pour l’éducation, nous constatons une implication de plus en plus forte pour soutenir les nombreux rôles que nous remplissons après du public. » En outre, l’environnement culturel grandissant en Floride offre de nouvelles opportunités de collaborations et partenariats entre institutions, comme à l’international. « Nous entretenons des contacts constants avec d’autres musées d’art contemporain à l’étranger et prévoyons d’ores et déjà des expositions et projets en partenariat dans les prochaines années. »

Dessiné par les Madrilènes Aranguren Gallegos Arquitectos, commissaires du pavillon espagnol de la Biennale d’architecture de Venise en 2002, le nouvel édifice situé dans le Design District dispose de 37 500 m2, soit une surface d’exposition doublée, à laquelle s’ajoute un jardin de sculptures de 15 000 m2. Pour Irma Braman, membre du Board of Trustees : « Nous nous sommes lancés dans le projet de construction d’un nouveau bâtiment pour l’ICA Miami afin de créer une structure culturelle pérenne pour notre communauté, apte à offrir la meilleure appréciation possible de l’œuvre des artistes contemporains les plus innovants. » Situé au cœur de Miami, le nouveau musée ambitionne de devenir un lieu de dialogue culturel et d’échange. Outre les expositions, il a mis en place des programmes d’accueil des publics, notamment à destination des scolaires.

Une politique d’acquisition très active
La construction du nouveau bâtiment comme l’acquisition du terrain pour le jardin de sculptures ont été entièrement pris en charge par Irma et Norman Braman, grande fortune du secteur automobile, collectionneur (de Picasso, Calder, Warhol…) et l’un des principaux soutiens financiers de la campagne du sénateur Républicain de Floride Marco Rubio dans la course à la maison blanche. À ce jour, le couple de philanthropes n’a pas souhaité rendre public le montant investi dans le projet. Craig Robins et Miami Design District Associates l’ont complété par une donation de terrain constructible. Le budget opérationnel annuel du musée, à hauteur d’environ 6 millions de dollars, repose sur la générosité d’autres donateurs privés. Une campagne de levée de fonds est en cours afin d’assurer le développement de la nouvelle institution sur le long terme. Quant à la collection permanente, elle a, elle aussi, été constituée et s’enrichit grâce à des fonds privés, pratique érigée en règle aux États-Unis. Le musée poursuit une politique d’acquisition très active, soutenue, outre les apports de riches particuliers, par différentes sociétés et fondations.

Forte d’un lancement réussi, sa directrice veut désormais développer une programmation à la hauteur des possibilités offertes par le nouvel écrin muséal : « L’ICA Miami nous permet d’offrir un accès gratuit à l’art contemporain le plus avant-gardiste, en mettant en lumière le travail de talents émergents tout en exposant des plasticiens plus établis. Notre programme est à la fois intellectuellement rigoureux et accessible, local et global. Et il prend de l’ampleur dans le nouvel édifice : en doublant la surface d’exposition, il nous est désormais possible d’ajouter d’ambitieuses expositions de groupe et des rétrospectives thématiques aux présentations monographiques et expositions commissionnées in situ que nous avons toujours montrées. Ceci nous permet de replacer l’art contemporain dans un dialogue avec les maîtres modernes. » En plus du programme inaugural qui restera visible sur le long terme, les visiteurs pourront découvrir dès le printemps des peintures rarement exposées de Donald Judd, une exposition consacrée à Terry Adkins et une présentation de nouvelles œuvres de Diamond Stingily.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°492 du 4 janvier 2018, avec le titre suivant : L’ICA Miami fait peau neuve

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