Le droit de suite à nouveau pointé du doigt par les pays anglo-saxons

Par Nathalie Eggs · lejournaldesarts.fr

Le 5 novembre 2014 - 798 mots

LONDRES (ROYAUME-UNI) / CALIFORNIE (ETATS-UNIS) [05.11.14] – Une nouvelle étude réalisée par Arts Economics à la demande de la British Art Market Federation (BAMF) souligne l’essoufflement du marché de l’art britannique. Des résultats que l’association d’outre-Manche n’a pas manqué de mettre sur le compte du droit de suite. En Californie, ce droit – jugé inconstitutionnel en 2012 - sera débattu devant une Cour d’appel du neuvième circuit.

Les Etats-Unis et la Chine n’ont pas adopté de législation équivalente à la Directive 2001/84/CE du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l’auteur d’une œuvre d’art originale et cela suscite de vives tensions parmi les marchands. Selon The Financial Time, un rapport d’Arts Economics montre que la position du Royaume-Uni sur le marché de l’art international serait menacée. Une perte de compétitivité que les détracteurs britanniques du droit de suite se sont empressés de relever.

Les chiffres de l’étude d’Arts Economics, réalisée à la demande de la British Art Market Federation (BAMF), qui représente les marchands britanniques, montrent que les ventes stagnent au Royaume-Uni alors qu’elles sont en augmentation au niveau mondial. Les ventes de « fine art » et d’antiquités au Royaume-Uni s’élèveraient à 8 milliards de livres sterling (10,2 milliards d’euros), en baisse de 3 % par rapport à l’année précédente, alors que les ventes mondiales seraient en hausse de 10 %.

Si le marché international de l’art a connu une croissance exponentielle ces dix dernières années, c’est en partie dû aux ventes d’art d’après-guerre et d’art contemporain, où des nouveaux records sont sans arrêt atteints. Ce segment de marché représentait 39 % des ventes en valeur en 2013 au Royaume-Uni. Mais la part de marché du Royaume-Uni sur ce segment a été réduite de moitié depuis 2008, pour ne représenter plus que 15 % du marché mondial contre 35 % il y a six ans. En 2010, un rapport d’Art Economics avait déjà fait part des menaces qui touchait la compétitivité du marché de l’art britannique.

D’après Clare McAndrew, directrice d’Arts Economics, « l’art d’après-guerre et l’art contemporain se déplacent à New York. Aux Etats-Unis, les ventes dépassent largement les résultats obtenus pendant les périodes les plus florissantes du marché de l’art. Depuis 2010, elles n’ont pas connu de croissance au Royaume-Uni, elles diminuent ».

Anthony Browne, président de la BAMF, affirme quant à lui que « l’introduction de l’Artist Resale Rights (ARR) sur les ventes londoniennes […] est à l’origine d’un déclin de la position du Royaume-Uni dans la compétitivité internationale », tout en admettant que le droit de suite n’est qu’un « facteur qui y contribue » plutôt que « l’unique cause ».

Il souligne que les ventes d’œuvres du XVIIIe (qui ne sont plus concernées par les droits de reproduction et le droit de suite) ont connu une légère hausse entre 2010 et 2013 au Royaume-Uni alors que la catégorie des œuvres impressionnistes et post-impressionnistes est restée stable en terme de chiffre. Le raccourci semble un peu rapide…

De son côté, la Design and Artists Copyright Society (DACS), une des sociétés britanniques à but non lucratif chargée de percevoir les droits d’auteur, défend qu’avec un prélèvement plafonné à 12 500 euros pour toute vente, le droit de suite ne représente qu’une « modeste part du prix de vente » pour les artistes et leurs héritiers. La société a perçu 8,4 millions de livres au titre de l’ARR en 2013, rémunérant ainsi plus de 1 400 artistes et leur succession.

Le droit de suite de nouveau discuté en Californie
Aux Etats-Unis, le droit de suite n’existait qu’en Californie. La loi (California Resale Royalty Act), initialement adoptée en 1976, faisait bénéficier les artistes dans les arts graphiques et plastiques de 5 % du prix de vente lorsque leur œuvre était revendue par un résident californien ou au sein de l’Etat pour un montant supérieur à 1 000 dollars.

La loi instaurant ce droit a néanmoins été déclarée anticonstitutionnelle en première instance en mai 2012 à l’occasion d’un procès intenté par les artistes Chuck Close, Laddie John Dill, la succession de Robert Graham et la fondation Sam Francis contre Sotheby’s, Christie’s et eBay, afin de se voir payer les droits qui leur étaient dus en vertu du CRRA. Mais la cour fédérale de district avait tranché en faveur des auctioneers. Le juge estimait que la loi violait la constitution des Etats-Unis et que la Californie ne pouvait pas, d’elle-même, instaurer un tel droit. Rien n’empêchait en revanche que le Congrès légifère sur le plan fédéral. Une proposition de loi (« American Royalties Too Act ») instituant un droit de suite fédéral a donc été déposée en février 2014 et est en attente au Congrès.

Au niveau de l’Etat californien, l’affaire sera portée devant la Cour fédérale d’appel du neuvième circuit le 15 décembre prochain.

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Cour d'appel du neuvième circuit de Californie - © Photo Coolcaesar - 2010 - Licence CC BY-SA 3.0

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