Art contemporain

Le David Hockney militant

Par Pauline Vidal · L'ŒIL

Le 23 mai 2017 - 771 mots

À sa manière, David Hockney a accompagné l’évolution sociale en faveur d’une reconnaissance non discriminante de l’homosexualité dans une peinture chargée politiquement et sexuellement.

Dans les années 1960, la Grande-Bretagne est encore très intolérante face à l’homosexualité qui continue à être illégale. Il faudra attendre 1967 et le Sexual Offences Act pour que cela change. C’est donc dans un climat d’intolérance que David Hockney, étudiant au Royal College of Art, décide de faire son coming out en 1960 et crée ce qu’il nomme de manière provocatrice ses « love paintings » puis ses « propaganda paintings » (sous-entendu de propagande homosexuelle). Le style naïf de ces toiles est très influencé par Dubuffet. La simplification extrême des corps lui permet de se concentrer sur l’identité des personnages plutôt que sur le réalisme de leur anatomie, comme dans The Third Love Painting (1960) où chaque personnage, dominé par son désir sexuel, incarne un symbole phallique. Une pointe d’ironie farouche accompagne certains tableaux comme Cleaning Teeth, Early Evening (10pm) w11 (1962), où l’on voit deux hommes en train de sucer avec avidité des pénis en forme de tube de dentifrice Colgate. La violence de l’acte sexuel peut rappeler celle mise en scène par Francis Bacon de manière très expressionniste. La dimension autobiographique est parfois suggérée comme dans I’m in the Mood for Love (1961) qui indique la date du 9 juillet – jour de naissance de l’artiste – et fait référence à sa visite de New York et à la découverte de sa vie nocturne débridée. À la sortie du Royal College of Art, en 1963, c’est dans un style plus réaliste, qu’il réalise des scènes domestiques et notamment Domestic Scene, Notting Hill. Il représente dans cette toile deux de ses amis, le styliste Ossie Clark assis dans un fauteuil et Mo McDermott, qui fut aussi son modèle et son amant, dénudé, suggérant une relation sexuelle entre les deux hommes.
 

La Californie, terre de stimulation

Avant même de s’y rendre, Hockney développe une relation fantasmée à la Californie, par le biais du roman de John Rechy, City of Night, et du magazine de culturisme homoérotique Physique Pictorial. C’est d’ailleurs dans cette revue qu’il puise l’inspiration de Domestic Scene, Los Angeles (1963) qui montre deux hommes sous une douche. L’écoulement translucide et sensuel de l’eau le long du corps de l’homme n’est pas sans quelques ambiguïtés. On retrouve une scène similaire dans Two Men in a Shower. Mais il faudra attendre la série des Piscines pour que l’attention portée à l’élément aquatique prenne toute son ampleur.

En 1964, le rêve devient réalité. Hockney s’installe à Los Angeles qui se présente à lui tel un éden enfin trouvé. « Je sentais que ce lieu pouvait me stimuler. Et il n’y a aucun doute que cela avait à voir avec le sexe », déclare-t-il dans une interview. C’est en effet pour lui un moment de véritable libération, tant sur le plan politique à travers ses peintures que sur le plan sexuel. Il achète un Polaroid SX-70 et acquiert des photos de nus masculins auprès de l’Athletic Model Guild, qui lui servent de modèle. Optant pour une peinture à l’acrylique sans épaisseur, il traduit la sensualité de sa nouvelle vie. La série désormais célèbre des Piscines lui offre un cadre privilégié à l’expression de la volupté et d’un certain érotisme. Dans Peter Getting out of Nick’s Pool ou Sunbather de 1966, il introduit le corps d’un homme nu et bronzé qui n’est autre que son amant, Peter Schlesinger, un étudiant de 19 ans, qu’il rencontre en 1966 à l’Ucla où il enseigne le dessin. Les courbes qui se dessinent à la surface de l’eau amplifient la sensualité du corps de son amant. Ce dernier est aussi représenté dans des scènes d’intérieur comme The Room, Tarzana (1967), où on le voit endormi sur un lit, à peine vêtu de chaussettes blanches et d’une chemise à manches courtes, suggérant ainsi sa disponibilité sexuelle.

À partir de 1967, date de décriminalisation de l’homosexualité en Angleterre, il semblerait que les corps masculins nus disparaissent des œuvres d’Hockney qui se concentre alors sur la dimension psychologique et émotionnelle des relations homosexuelles qu’il dépeint à travers des doubles portraits. Comme le suggère Chris Stephens, commissaire de la rétrospective à la Tate Gallery de Londres, la normalisation de l’imagerie des relations gay à l’œuvre dans les peintures d’Hockney atteint son point culminant dans ces doubles portraits, car les gays sont représentés comme des époux traditionnels. Il explore la complexité de leurs relations plus qu’il ne cherche à exprimer leur désir homosexuel. C’est le cas de Christopher Isherwood and Don Bachardy (1968) ou de Henry Geldzahler and Christopher Scott (1969).

 

 

« David Hockney »,
du 21 juin au 23 octobre 2017. Centre Georges Pompidou, Place Georges Pompidou, Paris -4e. Ouvert tous les jours de 11 h à 21 h,23 h le jeudi. Fermé le mardi. Tarifs « Musée et Exposition » : 14 et 11 €. Commissaire : Didier Ottinger. www.centrepompidou.fr
David Hockney. A Bigger Book,
édition SUMO de Taschen, 498p., 2000 €
Jean Frémon, David Hockneyà l’atelier,
L’Échoppe, 64 p., 13,50 €

 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°702 du 1 juin 2017, avec le titre suivant : Le David Hockney militant

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