Le Conseil constitutionnel confirme l’exclusion des légataires d’un artiste du bénéfice du droit de suite

Par Hélène Brunel · lejournaldesarts.fr

Le 1 octobre 2012 - 490 mots

PARIS [01.10.12] – Le droit de suite dont bénéfice l’auteur d’une œuvre originale graphique ou plastique est, après le décès de ce dernier, réservée à ses seuls héritiers. Cela au détriment des légataires notamment, au titre desquels figurent principalement les fondations, qui estiment que cette disposition est anticonstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel leur a donné tort.

En mars 2012, les fondations Hartung-Bergman et Giacometti avaient soumis au Tribunal de grande instance de Paris une question prioritaire de constitutionnalité concernant le droit de suite. En application de la loi française, les légataires des artistes se trouvent exclus du bénéfice de ce droit. Ce qui, selon les fondations - lesquelles ne peuvent être titulaires des droits d’un auteur qu’en exécution d’un legs -, contrevient au principe même d’égalité consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En mai, le juge de la mise en état avait pourtant décidé de ne pas saisir la Cour de cassation de la question soulevée par la fondation Giacometti, mais seulement parce qu’une demande similaire était déjà pendante devant la cour, en l’occurrence celle présentée par la Fondation Hartung-Bergman.

En juillet, cette question prioritaire de constitutionnalité posée par la fondation Giacometti a été renvoyée par la Cour de cassation devant le Conseil constitutionnel. Et, par décision du 28 septembre, celui-ci vient de déclarer l’article L. 123-7 du Code de la propriété intellectuelle conforme à la Constitution, puisqu’il ne méconnaît ni le principe d’égalité, ni aucun autre droit ou liberté garanti par ce texte.

Le droit de suite est défini par l’article L. 122-8 du Code de la propriété intellectuelle comme « un droit inaliénable de participation au produit de toute vente d’une œuvre après la première cession opérée par l’auteur ou par ses ayants droit, lorsqu’intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire un professionnel du marché de l’art ». « Après le décès de l’auteur, le droit de suite (…) subsiste au profit de ses héritiers (…) à l’exclusion de tous légataires et ayants cause, pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années suivantes », précise l’article L. 123-7.

Pour le Conseil constitutionnel, si l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous », le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations divergentes ou qu’il y déroge pour des raisons d’intérêt général, pourvu que cette différence de traitement soit en rapport direct avec l’objet de la loi. Le Conseil constitutionnel considère que les dispositions contestées ont pour objet de conforter la protection instituée par le droit de suite et de l’étendre à la famille de l’artiste après son décès. Et qu’en en réservant la transmission aux héritiers à l’exclusion des légataires et autres ayants cause, le législateur n’a fait qu’instaurer entre des personnes placées dans des situations distinctes une différence de traitement directement liée à l’objectif légalement poursuivi.

Légende photo

Conseil Constitutionnel, Rue de Montpensier, Paris - © Photo Mbzt - 2011 - Licence CC BY 3.0 

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