Ventes aux enchères

Le buste de Coysevox bloqué chez Christie’s

Par Vincent Noce · lejournaldesarts.fr

Le 3 avril 2017 - 597 mots

PARIS [03.04.17] - La mise en vente du portrait de Colbert, datant de 1677, est empêchée par les querelles déchirant la famille des Bourbon-Parme, descendants de la maison royale et du grand ministre de Louis XIV.

Le buste en marbre de Carrare de Jean-Baptiste Colbert sculpté par Antoine Coysevox a été placé sous séquestre chez Christie’s France auquel il avait été confié pour vente privée, pour une valeur de trois millions d’euros. Le 27 mars, un huissier a signifié ce séquestre pour dette impayée dans ses bureaux de l’avenue Matignon à la demande de trois des princesses de Bourbon-Parme.

Offert au ministre de Louis XIV par l’artiste qui sollicitait sa protection en 1677 et resté depuis dans sa descendance, classé monument historique ce portrait n’est pas contesté. La société Christie’s, qui n’a pas voulu faire de commentaire sur cette avanie, n’est pas non plus en cause. En revanche, cet incident est le dernier d’une longue série de déchirements au sein d’une famille illustre de la royauté. Le père François-Xavier était prétendant au trône d’Espagne au nom de la communauté traditionaliste carliste; la mère, fille du comte de Lignières, était elle-même une descendante de Grand Colbert.

Le buste de Coysevox, dont les sculptures apparaissent rarement sur le marché, avait fait sensation à Drouot où il avait été présenté aux enchères en novembre dernier par un commissaire-priseur de Marseille, Damien Leclère, qui avait réussi en 2009 à vendre à fort prix au Qatar quatre peintures d’histoire provenant de la même famille. Mais l’oeuvre n’avait pas trouvé preneur, les trois millions requis ayant semblé bien trop élevés. Le château de Versailles ainsi qu’un grand collectionneur privé se sont montrés intéressés à un prix plus raisonnable, mais le propriétaire n’en a pas démordu. Il a donc fini par la confier à Christie’s, toujours au même prix.

Cette oeuvre a été mise en vente par le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme, qui a hérité du château de Lignières édifié dans le Berry par Louis-François Le Vau, le frère de l’architecte de Versailles. Cette saisie est l’ultime épisode d’un conflit jamais réglé entre lui et ses sœurs sur l’héritage laissé par leur mère, la princesse Madeleine de Bourbon-Parme, décédée en 1984. Depuis, les trois sœurs se battent en Justice pour obtenir leur dû sur une part de la succession évaluée à un million et demi d’euros dont elles estiment avoir été lésées. La Justice leur a donné raison. En 2001, le tribunal a en effet considéré que des donations effectuées par leur mère au prince Sixte-Henri et à l’une de ses sœurs excédaient la quotité disponible sur l’héritage. Ce jugement a été confirmé en appel en 2003 et rendu définitif trois ans plus tard par le rejet d’un pourvoi par la cour de cassation. Selon un état liquidatif enfin établi par un notaire en 2016, le prince est redevable envers ses trois sœurs de la somme de 670 000 €.

Pour les requérantes, la saisie de la sculpture, déposée en toute discrétion chez Christie’s se justifie d’autant plus qu’il est « l’un des seuls biens leur restant, avec le château de Lignières », où le prince accueille régulièrement des rencontres de l’extrême droite, qui serait grevé d’hypothèques et « dans un état désastreux. » Ses soeurs assurent même que la valeur du buste de Coysevox aurait été « volontairement sous-estimée » dans un inventaire dressé en 1977, où « il apparaît évalué à 20 000 francs » (ce qui correspondrait à moins de 15 000 € aujourd’hui). Les requérantes produisent notamment une estimation pour assurance d’un expert deux ans plus tôt qui portait sa valeur à dix fois ce montant.

Légende photo

Antoine Coysevox (1640-1720), Buste de Jean-Baptiste Colbert (1677), marbre blanc, 71 x 70 x 34 cm - Collection Sixte-Henri de Bourbon-Parme

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