L’Assemblée nationale réintroduit et adopte en première lecture l’exception de panorama

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · lejournaldesarts.fr

Le 25 janvier 2016 - 649 mots

PARIS [25.01.16] - L’Assemblée nationale a adopté l’exception dite de « liberté de panorama », qui autorise la diffusion d'oeuvres architecturales et de sculpture placées sur la voie publique sans contrepartie financière. Cette disposition, qui exclut les visées commerciales, est passée malgré l’avis défavorable du Gouvernement.

« Nous en avons fini avec cette affaire du panorama », s’est exclamé Marc Le Fur, vice-président de l’Assemblée nationale et président de séance, après l’adoption des amendements 614 et 615, le premier déposé par le rapporteur du texte, Luc Belot (PS), et le second cosigné par Patrick Bloche (PS), président de la commission des affaires culturelles. La messe semble désormais dite. Et ce, malgré l’avis défavorable du Gouvernement porté par la voix de la secrétaire d’État Axelle Lemaire, pourtant originairement promotrice de l’exception. Le renvoi aux travaux en cours de la Commission européenne sur la question aura été de peu d’effet, les députés préférant prendre l’initiative sur les débats à venir.

Si le Sénat suit la position adoptée par l’Assemblée nationale, l’article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle se verra doté d’un 10e alinéa disposant que [Lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire …] « Les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des particuliers à des fins non lucratives ».

L’exposé sommaire d’un des deux amendements renvoyait au fait que « l’opinion publique est unanime : prendre des photos dans l’espace public devrait être une liberté pleine et entière. Celui qui choisit de construire un bâtiment dans l’espace public ne devrait pas pouvoir privatiser la vue de tous au nom du droit d’auteur ». Il ne semble pas qu’un artiste ait eu un jour une telle volonté, qui n’aurait pu prospérer dès lors que la reproduction était accessoire.

L’autre amendement laissait encore plus songeur en visant à concilier l’intérêt des « familles à publier leurs photos de vacances sur internet (Facebook, Instagram, Wikipédia...) même lorsque se trouve au centre un bâtiment ou une sculpture récents » et le risque de perte de revenus pour les artistes en raison d’une exploitation commerciale de telles reproductions. La publication d’une photographie de vacances sur les réseaux sociaux doit donc primer sur le droit des auteurs selon le rapporteur du texte. Soit. Mais l’irruption de Wikipédia dans l’argumentation étonne, sauf si l’enjeu de l’exception adoptée réside dans le soutien des intérêts de la plateforme encyclopédique.

À cet égard, la position d’Isabelle Attard (EELV) est sans ambiguïté. Dans l’hémicycle, la députée a soutenu que la rédaction adoptée « ne concerne pas Wikipédia, puisque ce site exige que tout ce qui s’y trouve puisse être réutilisé gratuitement, y compris dans un but commercial – cela est bien stipulé. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai des réserves quant à la rédaction proposée par les rapporteurs ». Face à cette difficulté, Philippe Gosselin (LR) a proposé d’introduire la notion d’utilisation à titre d’information, « ce qui permettrait peut-être de couvrir Wikipédia sans difficulté », sans être pour autant suivi. L’exception d’actualité existant au sein du droit d’auteur, la notion aurait fait double emploi.

Le texte retenu soulève, enfin, quelques difficultés d’appréciation. Si les termes « placées sur la voie publique » évitent, en effet, toute vision extensive des lieux publics ou des espaces publics, la détermination des « fins non lucratives » et de la catégorie de « particuliers » reste plus délicate.

La restriction aux seules œuvres architecturales et œuvres de sculpture est en revanche heureuse, puisqu’elle n’inclut plus les fresques murales et œuvres de street art. De nombreux représentants d’auteurs, dont l’ADAGP, ont salué l’adoption d’une « solution équilibrée, notamment en excluant les usages commerciaux du champ de l’exception », tout en rappelant que la question de la circulation des œuvres protégées sur les réseaux sociaux est un « sujet qui dépasse celui des seules œuvres situées sur la voie publique ».

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Axelle Lemaire © Photo Axelle Lemaire - 2011 - Licence CC BY-SA 2.0 

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