Foire & Salon

La mutation des foires d’antiquités

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 26 juin 2017 - 754 mots

Les nouvelles générations n’achètent plus les mêmes antiquités que leurs aînés et plus forcément via les mêmes canaux. Alors les salons spécialisés cherchent à s’adapter.

Rançon du succès du mobilier vintage, les Puces du design qui célébraient leur 36e édition en mai dernier, ont migré sur une surface élargie et à l’abri des intempéries : 5 000 m2, au Parc des expositions, porte de Versailles. La foire d’antiquités et de brocante de l’Isle-sur-la-Sorgue, qui s’apprête à tenir en août son édition annuelle sous la houlette de son nouveau délégataire Jacques Chalvin (un ex-gestionnaire d’espaces de congrès, d’événementiels et de spectacles) a rebaptisé la foire Antiques Art & You pour lui donner une aura internationale, et n’a pas hésité à solliciter un ancien du festival Jazz à Vienne pour imaginer des animations musicales. Quant à la foire de Chatou qui a séduit 33 000 visiteurs en mars contre 30 000 un an plus tôt, son organisateur, le Syndicat national du commerce de l’antiquité, de l’occasion et des galeries d’art (SNCAO), peaufine déjà sa version automnale autour des arts de la table, un thème dans l’air du temps ; l’ex-foire à la brocante et aux jambons a elle aussi changé de nom il y a quelques années pour se moderniser.
 

La concurrence d’Internet

Le secteur des foires d’antiquités est en pleine mutation. Le contexte est compliqué pour les marchands, qui ont connu un âge d’or, avant de voir certaines clientèles se raréfier pour des raisons économiques, sécuritaires, ou liées au développement des sites de vente en ligne. « Mais paradoxalement, la demande est très forte, le public aime chiner, arpenter les brocantes. Il faut réinventer le modèle », explique Jacques Chalvin. Même constat de la part de Jean Nowicki, le président du SNCAO : « Les marchands vieillissent, les clients évoluent, les maisons de ventes aux enchères et Internet sont de nouveaux concurrents. Il faut sans cesse se remettre en question dans notre façon de vendre, être proactifs. » Et c’est payant pour la foire de Chatou, la plus grande du genre en France avec ses cinq cents antiquaires : les acheteurs français, américains, russes, libanais, asiatiques, chinois, japonais et coréens y sont de retour. Le cocktail alliant une marchandise diversifiée et « tendance », des prix accessibles, des restaurants de terroir, plaît. De même, la foire de l’Isle-sur-la-Sorgue se divise désormais en cinq secteurs (antiquité et brocante, livres anciens, design décoration, vintage, œuvres d’art) et propose des services d’expertise, de restauration et même des « personal shopers » pour rassurer le consommateur à l’heure où les contrefaçons prolifèrent. La manifestation essaime dans la ville, associant ses artisans d’art, ses décorateurs, l’éditeur de mobilier design RBC ou la manufacture séculaire de couvertures Brun de Vian-Tiran. Et Jacques Chalvin a d’autres projets, à Lyon sur une friche industrielle, à Bordeaux dans le nouveau quartier Brazza où ouvrira un hôtel Mob (comme aux Puces de Saint-Ouen) et le lieu festif La Bellevilloise, et à Beaune, sur le parc de loisirs Bel Air Vintage au bord de la Nationale 6. Mais cela n’empêche pas la profession d’être vigilante, alors que d’autres salons d’antiquités à Paris et en province sont remis en question ou fragilisés, à Caen, Bourg-en-Bresse, Angers, et même à Paris, où l’organisatrice de six salons (dont celui du Pont Alexandre III ou du Parc Monceau), Caroline Margeridon, a cessé son activité. Les parcs d’exposition où se tenaient de nombreux salons sont soumis à de multiples normes et à des mesures de sécurité renforcées, répercutant ces charges sur leurs tarifs de location. « Il faut probablement réduire la durée des salons, souvent trop longue, ce qui les rend chers. Nous sommes dans une période de transition et il est difficile de prévoir comment se feront les ventes demain : foire, boutique, Internet ? », pointe Jean Nowicki, spécialiste des bijoux anciens Geoffray Riondet qui travaille uniquement via les salons. Dans cette phase délicate, le SNCAO qui compte mille deux cents membres a ainsi apporté son soutien financier à un groupe de marchands désireux de remonter en mai dernier le salon national d’antiquaires de Dijon dans un autre lieu que le parc des expositions. À Metz, le syndicat travaille étroitement avec GL Events, gestionnaire du parc des expositions, pour repenser le Salon des antiquaires, tandis qu’à Paris, il a réussi à reprendre le salon du Parc Monceau. Mais la tâche est complexe, comme en témoigne le succès mitigé des déclinaisons du marché Paul Bert-Serpette que le propriétaire du site de Saint-Ouen, Jean-Cyrille Boutmy, comptait multiplier en province : pour l’instant, seule Nantes a bénéficié de cet essaimage.

 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°703 du 1 juillet 2017, avec le titre suivant : La mutation des foires d’antiquités

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