Musée

La Monnaie ouvre son « coffre-fort »

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 944 mots

PARIS

Le Musée de la monnaie rouvre après six ans de travaux. Complètement réaménagé, il se nomme désormais « Musée du 11 Conti » et propose un riche parcours ouvert sur l’activité industrielle de la « plus vieille entreprise de France ».

Paris. Rénové et rebaptisé, l’ancien Musée de la monnaie de Paris a ouvert le 30 septembre après six ans de travaux. Le tout nouveau « Musée du 11 Conti » s’inscrit dorénavant dans un redéploiement des activités industrielles et culturelles voulues par la Monnaie de Paris sur son site parisien, « plus vieille entreprise de France », souligne son président-directeur général Aurélien Rousseau. Selon lui, « c’est une expérience globale » proposée par la Monnaie au 11, quai de Conti, légitimant un changement de titulature. Sur le site, restaurant, boutique, musée, salles d’exposition et cours intérieures composent aujourd’hui le volet culturel de l’établissement.

Devenu le 11 Conti, la Monnaie de Paris propose désormais un parcours ouvert au fil des cours intérieures de l’hôtel des Monnaies, construit en 1775 par l’architecte Jacques-Denis Antoine. Derrière une façade néoclassique de 117 mètres de longueur, l’architecte avait bâti une véritable forteresse accueillant les multiples activités de l’institution. « C’est un bâtiment d’une grande sophistication, très complexe, avec une alternance de niveaux pour accueillir des programmes d’activités différentes », souligne Philippe Prost, architecte et urbaniste, en charge du réaménagement de la Monnaie de Paris depuis 2009. « Il fallait ouvrir le site sur la ville, en se servant de son système de cours intérieures fabuleux. »
 

Une muséographie imbriquée à l’architecture

Intitulé « MétaLmorphoses », ce réaménagement de l’hôtel des Monnaies, doté d’un confortable budget de 75 millions d’euros d’investissement, a été un travail au long cours : « Il a fallu concevoir le déploiement des activités culturelles en parallèle du redéploiement des activités industrielles, dans une intrication très complexe. Certaines activités industrielles ont été déménagées deux fois ! », insiste Philippe Prost. Durant le chantier, la Monnaie de Paris a dû céder une parcelle de 1 500 m2 sur ordre du ministre du Budget Éric Woerth à l’Institut de France. Surtout, il a fallu imbriquer des espaces régis par le Code du travail (côté atelier) avec l’accueil du public (coté musée). Un temps évoqué, la traversée des ateliers s’est réduite à des fenêtres vitrées sur l’activité industrielle. Un premier scénographe jette l’éponge, éreinté par la lenteur du projet. L’architecte a repris cette partie du programme, « ce qui finalement fait la force de ce projet, en lui donnant sa cohérence. La muséographie résonne avec l’architecture ».

Reprenant à son compte la citation d’André Chastel « Relier l’œuvre au lieu, l’architecture au site, le site à l’espace du vivant », l’architecte a donc choisi l’évidence du métal comme fil rouge du réaménagement, lovant avec sobriété de nouveaux espaces de circulations en métal sur l’architecture en pierre du XVIIIe siècle. Escaliers et passerelles sont traités avec toutes les teintes de métal, de l’or au zinc, du cuivre à l’étain. Le résultat est très élégant.

Au sein du projet, le musée de la Monnaie, labellisé Musée de France en 2002, a été complètement repensé. L’ancien musée monétaire avait été quelque peu oublié depuis sa dernière refonte en 1988. Avec 170 000 œuvres dont 35 000 monnaies, ses collections « pouvaient sembler difficiles, avec des objets tout petits, ou des outils techniques un peu compliqués », explique Anne-Sophie Duroyon-Chavanne, administratrice à la direction des Expositions et des Collections. Pour pallier cet écueil et « mettre en valeur les savoir-faire, le fil rouge du parcours », les équipes scientifiques ont démultiplié les sujets et les thématiques, aidés finalement par la multiplicité des lieux, des niveaux, des espaces.
 

Sur les pas des monnayeurs

Le parcours débute sur une présentation des métaux dans une petite salle obscure. « La contrainte de cet espace aux plafonds très bas est devenue la clé de la scénographie, qui rappelle les mines dont sont extraits les métaux », explique Philippe Prost. Cette mise en bouche, très pédagogique, place d’emblée le visiteur au cœur de la matière exploitée par les fondeurs, graveurs ou monnayeurs de la Monnaie. Les séquences s’enchaînent ensuite entre histoire des techniques, histoire économique, histoire de l’art, histoire tout court. Ainsi, les œuvres d’exception créées à la Monnaie comme la Déesse-violoncelle d’Arman ou les bijoux d’Andrée Putman côtoient des monnaies byzantines anciennes. Du côté des techniques, les outils pédagogiques sont très nombreux : vidéos, modules interactifs et numériques, schémas et explications. Clarté et concision sont à l’ordre du jour. La salle des coffres ouvre sur l’imaginaire des grands trésors monétaires découverts au XXe siècle, comme celui de la rue Mouffetard à Paris en 1938.

La nouvelle directrice Camille Morineau, qui a succédé à Chiara Parisi en décembre 2016, compte capitaliser sur ces collections permanentes. Ayant la double casquette des collections et des expositions, que n’avait pas sa prédécesseur, Camille Morineau se « situe dans la continuité » de Chiara Parisi, mais affirme que la collection permanente va influer sur certaines expositions. L’art ancien sera présent : au printemps prochain, « L’enfance d’un roi » reviendra sur la pédagogie et les salons de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, autour de la personnalité de Madame de Genlis. La question des femmes dans l’art entame la programmation du 11 Conti. Le 20 octobre, « Women House » présentera quarante artistes femmes du XXe et XXIe siècles. Une évidence pour celle qui fut commissaire de « elles@pompidou » en 2009 : « outre un intérêt personnel, il faut rappeler que Condorcet, premier inspecteur général de la Monnaie dans son bâtiment actuel, a complètement repensé l’histoire des femmes », justifie la directrice.

Enfin, la sculpture devrait prendre place dans les cours intérieures de la Monnaie. « Il y a beaucoup de concurrence pour l’art contemporain à Paris, mais pas vraiment en sculpture », analyse Camille Morineau. L’Indien Subodh Gupta entamera au printemps prochain ce cycle de sculpteur.

 

 

Musée du 11 Conti,
11, quai de Conti, 75006 Paris. Mardi-dimanche 11h-19h et jeudi 11h-21h

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : La Monnaie ouvre son « coffre-fort »

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