Ventes aux enchères

La justice autorise la vente « Aristophil » du 20 décembre

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 4 décembre 2017 - 944 mots

PARIS [04.12.17] - Alors qu’une association réunissant plusieurs victimes de la société Aristophil est montée au créneau pour faire annuler ou suspendre la vacation, le tribunal a donné son feu vert à l’administrateur qui a autorisé la tenue de la vente.

L’association Cparti, créée en janvier 2015 et présidée par Alain Poncet, courtier qui a vendu et même acheté des produits Aristophil, n’a pour l’instant pas eu gain de cause dans la bataille qu’elle mène contre la vente du 20 décembre prochain organisée par la maison de vente Aguttes.

L’association rassemble 3 300 adhérents victimes des agissements de la société Aristophil spécialisée dans le placement d’autographes et manuscrits, qui, en échange de leurs investissements, leur promettait des rendements de l’ordre de 8 % par an mais dont ils n’ont jamais vu la couleur. Il existe quatre autres associations de victimes (Adilema, AILCM, ADC54, OPDIA). « Nous ne sommes pas opposés à la vente des œuvres dans l’absolu mais nous contestons cette vente du 20 décembre car selon nous tout n’a pas été mis en œuvre pour mettre en valeur les biens. Par conséquent, ce sont les investisseurs qui vont en pâtir directement », explique leur porte-parole, Alain Poncet. L’association estime notamment que la vente se tient de manière précipitée : « un acheteur potentiel à l’autre bout du monde ne sait même pas qu’il y a une vente à Drouot et s’il faut qu’il réunisse des fonds pour le 20 décembre, à 5 jours de Noël, ça risque de faire court », souligne le président.

Ce à quoi Claude Aguttes rétorque « qu’il y a eu plus de 500 articles faisant état de la vente, dont 387 aux Etats-Unis ». Il poursuit : « la vente devait avoir lieu au départ le 27 novembre mais l’association Cparti trouvait que c’était trop tôt donc nous avons repoussé la vente. Et maintenant, elle trouve que c’est trop tard ! ».

Le 17 janvier 2017, les parties prenantes à la vente volontaire (à l’exclusion des biens propres de la société Aristophil) ont conclu un protocole d’accord réglementant cette vente, protocole qui a été homologué par le Tribunal de Grande Instance (TGI). Dans ce protocole, il a été décidé qu’il n’y aurait pas une seule maison de ventes qui se chargerait de la dispersion des œuvres liées à cette affaire mais que l’administrateur judiciaire, Me Pascal Hotte, s’entourerait d’un collège d’experts et de maisons de ventes pre-sélectionnées. A charge pour le collège d’experts, de concert avec l’administrateur, de choisir quel bien serait vendu, dans quelle vente et par quel intermédiaire. « Le but de ce protocole était d’instaurer une concurrence entre les maisons de ventes et empêcher qu’un opérateur puisse choisir de ne vendre que de belles œuvres au détriment des petites œuvres », souligne Me Matthieu Sellies, avocat de l’association Cparti. « Mais Claude Aguttes en a décidé autrement : il a fait le catalogue - à peine imprimé à 15 jours de la vente - a lui-même choisi dans les indivisions les plus belles œuvres, passant outre le protocole. Il a mis tout le monde au pied du mur », s’insurge Alain Poncet. Il ajoute : « Claude Aguttes a usé de son privilège d’avoir les œuvres à portée de main puisque c’est lui qui a été chargé de leur garde par le tribunal mais il n’avait pas jusqu’alors été missionné par l’administrateur pour organiser la vente ». Pour Claude Aguttes, « en tout, il y a 130 000 lots donc il en reste des tout aussi importants que ceux de la vente du 20 décembre. Nous avons ou plutôt les experts ont inséré des lots mythiques et non revendicables par l’Etat dans cette vente pour attirer l’attention ».

Selon l’association, la maison Aguttes n’avait été autorisée par le tribunal de commerce qu’à organiser la vente judiciaire (contenant les biens de la liquidation d’Aristophil) avec quelques biens indivis mais au final, « le projet de vente qui nous a été soumis le 7 novembre comportait 507 000 euros d’estimations pour la vente judiciaire tandis que la vente volontaire (indivisions et contrats Amadeus en pleine propriété) en comptait 15 millions ». Sachant que les frais de vente ne sont pas les mêmes pour la vente judiciaire (12 à 15 %) que pour la vente volontaire (30 %). « J’aurai mis plus de biens de la liquidation, on me l’aurait reproché », lance le commissaire-priseur.

Malgré l’opposition de l’association Cparti, le 29 novembre, le TGI de Paris a autorisé l’administrateur judiciaire Me Hotte « à signer les mandats de vente au profit de Me Claude Aguttes pour permettre aux indivisions de participer à la vente inaugurale du 20 décembre » estimant que l’intérêt commun des indivisaires était pris en compte. « L’autorisation n’avait pas été donnée avant ce jour, contrairement à ce qu’a prétendu Claude Aguttes », martèle Alain Poncet. « Qui peut imaginer que le Conseil des ventes volontaires (CVV) m’aurait laissé exposer les lots phare de la vente à Drouot [du 21 au 24 novembre] si le TGI n’avait pas donné son accord ? », réplique habilement le commissaire-priseur.

Aujourd’hui, l’association ne dispose plus que d’une seule voie de recours : elle a saisi le CVV en portant plainte contre la maison Aguttes. Dans un courrier en date du 1er décembre adressé à Catherine Chadelat, présidente du conseil, elle demande la suspension de la vente dans l’urgence, conformément aux dispositions de l’article L321-22 du Code de commerce. « En effet, nous avons relevé plusieurs infractions au code de déontologie du Conseil ». L’association Cparti envisage également de déposer une requête en référé auprès du TGI « mais nous n’avons que peu d’espoirs », conclu Alain Poncet.

Légende photo

François Boucher (1703-1770), Têtes de deux jeunes femmes de profil, pierre noire, sanguine, pastel et rehauts de blanc sur papier gris, 27 x 32 cm - Vente Claude Aguttes : collection Aristophil du 20 décembre 2017 à Drouot - Estimation 60 000 / 80 000 euros © photo OVV Aguttes

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