Justice

La Cour administrative d’appel de Nantes donne tort à la Fondation du Patrimoine

Par Marion Le Bec · lejournaldesarts.fr

Le 10 mars 2014 - 909 mots

NANTES [10.03.14] – La Cour administrative d’appel de Nantes a confirmé un jugement rendu en décembre 2012 qui annulait le retrait d’un label, attribué par la Fondation du Patrimoine, à un immeuble privé.

Un label initialement attribué en 2001 par la Fondation du Patrimoine à un immeuble privé, avait été retiré par elle-même en 2009, en raison de l’absence de justificatifs produits par les propriétaires du bien. Un jugement du Tribunal administratif de Nantes, rendu en décembre 2012 annulait ce retrait. La Fondation du Patrimoine avait alors interjeté appel auprès de la Cour administrative de Nantes. La décision rendue le 20 février 2014 confirme le jugement du tribunal et déboute ainsi la Fondation.

La Fondation basait sa décision de retrait du label sur une exigence de production des factures du bénéficiaire, comme préalable au versement de la subvention promise. Le titre accordé par la fondation permet au propriétaire privé détenteur d'un bien immobilier, présentant un intérêt patrimonial et non protégé au titre des monuments historiques, de bénéficier de déductions fiscales pour des travaux de sauvegarde ou de restauration. Dans le cas de propriétaires imposables, le label permet la déduction fiscale du montant des travaux (sous certaines conditions) et l’attribution d’une subvention à hauteur minimum de 1% du montant des travaux labellisés. Dans le cas de propriétaires non-imposables, la fondation accorde une subvention pour financer les travaux de restauration.

La production de documents justificatifs semblait donc nécessaire pour l’organisme à l’octroi de droits. La Fondation du Patrimoine s’appuyait notamment sur une décision rendue par le tribunal d’instance de Cholet en 2006 qui envisageait cette exigence comme ni abusive, ni injustifiée mais au contraire, indissociable de la validité de l’attribution du label.

Requérante devant la cour de Nantes, la Fondation du Patrimoine demandait l’annulation de la décision du tribunal notamment en raison de l’aval obtenu du juge judiciaire en 2008, qui donnait autorité de la chose jugée à la décision de retrait du label prise en 2009. Par ailleurs, la notification de réclamation des pièces justificatives auprès des propriétaires respectait le principe du contradictoire. Son argumentaire se fondait principalement sur le fait que la subvention accordée était attachée à l’octroi du label et que, de ce fait, la défaillance des propriétaires dans la production de justificatifs permettant cette subvention, entraînait indubitablement le retrait de ce label.

La partie défenderesse - à savoir les propriétaires du bien immobilier ayant reçu le label en 2001 - avait été reconnue dans son bon droit en 2012 par le tribunal administratif de Nantes. Face à la Fondation du Patrimoine, elle se défendait en appel de ce que l’affaire portée devant le juge judiciaire n’avait ni la même cause, ni le même objet puisque saisi d’une demande en paiement de subvention. En l’espèce, le juge judiciaire n’avait nullement validé la décision de retrait de label prise par la fondation, postérieure d’une année au jugement alors rendu. En outre, les notifications faites par l’organisme ne mentionnaient pas un éventuel retrait du label. Les propriétaires n’ayant pu se défendre de cette menace, le principe du contradictoire n’a pas été respecté par la fondation.

Les défendeurs ont également fait prévaloir en appel que l’octroi du label est une décision individuelle créatrice de droit, ce qui implique que son retrait est enfermé dans un délai de 4 mois. De plus, aucun texte ne prévoit le retrait de ce label accordé par la fondation.

S’agissant de l’autorité de chose jugée de la décision du juge judiciaire dont se prévalait la Fondation du Patrimoine, la CAA de Nantes considère qu’en « l’absence d’identité d’objet avec la procédure en cours concernant le retrait du label », cette autorité « ne peut être retenue ». Le juge administratif retient par ailleurs que la Fondation a été créée par une loi du 2 juillet 1996, dont le statut est codifié à l’article L.143-1 du code du patrimoine et en fait « une personne morale de droit privé à but non-lucratif, soumise au règles relatives aux fondations reconnues d’utilité publique ».

Le juge note également que son conseil d’administration est notamment composé de personnalités désignées par l’Etat et siège en la présence d’un commissaire du gouvernement. Du fait de la mission et de son statut, la Cour en conclu donc que la Fondation du Patrimoine est « investie d’une mission de service public et dotée de prérogatives de puissance publique ». Par conséquent, « elle constitue un organisme chargé de la gestion d’un service public administratif ». Au regard de la loi de 1979 relative à la motivation des décisions administratives et de 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le juge estime que la décision administrative individuelle défavorable retirant une décision créatrice de droit aurait dû être motivée, mais cette motivation n’aurait même dû intervenir qu'après que la personne intéressée ait été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Or, la fondation n’a jamais notifié aux propriétaires l’éventualité d’un retrait de label. Le tribunal administratif avait donc à juste titre considéré en 2012 que les dispositions de la loi de 2000 avaient été méconnues et que la décision de retrait avait été prise « au terme d’une procédure irrégulière », ce qui légitime son annulation.

La Fondation du Patrimoine a donc été déboutée de sa demande par la CAA de Nantes. La décision de retrait annulée, les propriétaires sont replacés dans la situation juridique dont il bénéficiait avant 2009.

Place de l'Edit de Nantes, Cour administrative d'appel. - © Photo Jibi44 - 2013 - Licence CC BY-SA 3.0

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