Départ

Julien Frydman quitte la direction de Magnum Paris dans un climat tendu

Par Christine Coste · lejournaldesarts.fr

Le 25 novembre 2010 - 1046 mots

PARIS [25.11.10] - Le chef du bureau de Magnum Paris, Julien Frydman a préféré quitter ses fonctions. Il reste cependant investi dans la Fondation Magnum. Ce départ signe l’accélération du changement de la structure et de l’esprit de l’agence.

Après huit années passées à diriger le bureau de Magnum Paris, Julien Frydman quitte ses fonctions, à l’instar de Mark Lubell du bureau de New York passé pour sa part responsable des ventes (Londres ne dispose plus de chef de bureau depuis deux ans et demi). « C’est moi qui l’ait proposé suite au meeting de New York de juillet dernier», confie-t-il. « L’agence souhaitait organiser mon temps de façon différente. J’ai préféré changer, construire d’autres projets ». En premier lieu celui de la Fondation, le Magnum Heritage Foundation, qu’il porte depuis son origine, et dont le fonds de dotation paru au Journal officiel le 31 juillet 2010 vient d’adopter un conseil d’administration présidé par Abbas. Il compte parmi ses membres outre Julien Frydman d’autres photographes comme Martin Parr, Susan Meseilas, Josef Kudelka, Jonaz Bendiksen (actuellement président de Magnum), mais aussi Maître Rochelois (notaire de Magnum Paris) pour ne citer qu’eux.

La célèbre agence Magnum, fondée en 1947 par Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, David Seymour et Georges Rodger, dispose de quatre bureaux (à New York, Paris, Londres et Tokyo) et compte 60 membres. Une fois par an, tout le staff des bureaux et les photographes membres de Magnum se réunissent pour faire le bilan de l’année écoulée et voter des décisions. C’est notamment au cours de ce rassemblement à huit clos, et qui dure une semaine, que les membres de l’agence votent pour l’entrée ou non de tel ou tel photographe candidat dans le cercle très convoité des nominés, première étape avant d’avoir la possibilité d’accéder au titre de membre.

Cette année, c’est à New York que le grand meeting a eu lieu, un meeting historique au regard de la décision votée en juillet dernier et engageant Magnum a une réorganisation profonde de ses structures. Restructuration déjà menée depuis deux ans (avec la création d’un pool Archives, la nomination d’un financier et diminution des effectifs salariés), mais qui tend là à s’accélérer avec le regroupement d’activités des différents bureaux et fonctions comme celle de chef de Bureau qui devrait à terme être supprimée ou réduite à une seule personne. Ainsi Julien Frydman ne sera pas remplacé.

Nombre de photographes de Magnum, devenus pour la plupart des petits entrepreneurs à eux seuls avec leurs propres salariés et services veulent en effet accélérer la réduction de la voilure en postes de salariés et de services de l’agence en regroupant en pool la plupart des départements, obligeant à terme tous les photographes à disposer chacun de ses salariés œuvrant aux différentes tâches menées jusqu’à une période récente par chaque bureau tel le scan des photos. Le photographe Sebastião Salgado s’était ainsi retiré de l’agence pour voler de ses propres ailes et avait créé sa propre structure. Mais autre époque, autres générations, autres mentalités, certains diront « plus individualistes et pragmatiques ». Car il reste que faire partie de l’agence de Magnum est prestigieux, et constitue le garant aujourd’hui comme hier d’une notoriété en passe de devenir un label, une marque (si elle ne l’est pas déjà) qu’aucun photographe de nos jours imaginerait abandonner pour voguer seul.

Si la plupart des photographes de l’agence que nous avons interrogés préfèrent parler d’évolution adaptée aux nouvelles donnes du marché, d’autres (une minorité désormais) voient dans la décision « une rupture avec l’esprit Magnum », esprit collectiviste dans ses fondements et consistant pour chaque photographe membre à donner la moitié de ses revenus à la structure pour la financer et créer des services afin d’assurer à chacun une production indépendante.

« En juillet dernier, à New York, les échanges entre membres ont souvent été violents et haineux », témoignent des membres de Magnum qui préfèrent garder l’anonymat. Certes, les divisions, les querelles, les clans ont toujours existé entre photographes, mais là ce sont des visions stratégiques, idéologiques différentes qui se sont opposées, des querelles entre générations de photographes également avec la victoire au final de la jeune génération représentée par la direction actuelle de Magnum présidée par Jonaz Bendiksen, secondé entre autres par Alex Majoli et Paolo Pellegrin. Certains photographes parlent aujourd’hui de « putsch, certes de putsch démocratique, mais d’un putsch qui laissera des marques et provoquera des divisions profondes ».

La question de la pertinence de garder un chef au bureau parisien s’était déjà posée lors de l’avant-dernier meeting organisé à Londres l’an dernier. Le bureau de Paris et la grande majorité de ses membres soutenus par certains photographes anglo-saxons (tels Martin Parr, Susan Meiselas, Jim Golbert) ont pu contrer la décision envisagée au regard du déficit d’un million d’euros enregistré par l’agence de Paris, réduit en 2009 à 150 000 euros.

Après François Hebel et Diane Dufour, Julien Frydman était le troisième chef de bureau de Paris à avoir été nommé en 2002 par les photographes du bureau parisien. Ses missions (placées sous l’autorité et la surveillance d’un vice-président et de deux « lieutenants » comme on les appelle à Magnum, tous les trois photographes du bureau de Paris), étaient de plusieurs ordres : mettre en application les décisions des photographes, assurer la gestion du bureau parisien, rapporter des commandes, insuffler des projets dans l’esprit de Magnum, avoir une bonne connaissance de la photo et du milieu, être également au fait des questions juridiques et être un directeur des relations humaines qui sache mener son équipe. Autrement dit, un poste à plusieurs casquettes, véritable gageure que chacun a relevé en insufflant sa propre dynamique, et en portant des projets comme pour Julien Frydman ceux de la Fondation et des galeries photo. La première galerie à avoir été créée avec l’accord des photographes, mais non sans avoir coûté beaucoup en investissements, fut celle aménagée au rez-de-chaussée du siège de l’agence parisienne, au 19 rue Hegesippe Moreau, la seconde à avoir ouvert ses portes en septembre 2009 se situant à Saint Germain des Prés, au 13 rue de l’Abbaye. Le départ de Julien Frydman ne remet pas en cause les activités du bureau parisien bien que d’ores et déjà certains envisagent la reconversion de la galerie photo du siège en espaces à louer...

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