Architecture - Musée

États-Unis

Piano à Boston

Le co-auteur du Centre Pompidou a signé la nouvelle aile du musée Isabella Stewart Gardner

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 28 février 2012 - 677 mots

BOSTON - Elle était belle ainsi qu’en témoigne le portrait que fit d’elle son ami John Singer Sargent en 1888, et follement élégante. Elle était jeune, follement excentrique. Elle était riche, follement généreuse. Le roman se poursuit lorsque Isabella Stewart, issue de la meilleure société new-yorkaise, épouse en 1860, à vingt ans, John Lowell Gardner, issu de la meilleure société bostonienne.

Quittant New York pour Boston, la plus européenne des villes américaines, elle devient encore plus élégante, plus excentrique, plus riche, plus généreuse et est l’une des figures les plus traquées par les tabloïds. À Boston, on la surnomme « Belle », « Dona Isabella » ou encore « Isabella de Boston ». Dans les pas de son époux, Isabella Stewart Gardner se transforme en collectionneuse émérite. Goût et argent mêlés, tout y passe : de la Rome antique aux arts asiatiques, de la Renaissance italienne aux Arts déco, de l’Europe médiévale aux arts de l’Islam… Mobilier, tapisseries, objets, manuscrits et livres rares constituent le gros de la collection qu’au fil du temps viennent enrichir de très belles œuvres signées Titien, Rembrandt, Michel Ange, Raphaël, Botticelli, Manet, Degas, Rubens, Velazquez, Whistler, et naturellement, Sargent. En 1898, à la mort de son mari, Isabella décide de faire élever un musée comme écrin à sa collection qui ne cesse de s’enrichir. Et en 1903, est inauguré une sorte de palais vénitien signé Willard Thomas Sears, trônant dans un jardin extraordinaire et enfermant en son cœur un jardin intérieur couvert d’une monumentale verrière. Quatre niveaux composent l’ensemble, les trois premiers sont consacrés au musée (qui n’ouvre qu’une vingtaine de jours par an), tandis qu’Isabella s’installe au quatrième. En 1924, Isabella Stewart Gardner disparaît, le palais vénitien devient musée à part entière et son administration-conservation s’installe au quatrième niveau.

Un musée entre élégance et légéreté
Quatre-vingts ans plus tard, le palais vénitien a vieilli et atteint son seuil de saturation. Il est temps de le restaurer et de l’agrandir (pour un total de 118 millions de dollars, soit 92 millions d’euros). Pour ce faire, le choix se porte sur Renzo Piano. Décision explicitée, à l’époque, en ces termes par Anne Hawley, directrice du musée : « Nous avons choisi Renzo Piano parce qu’il réunit de façon exceptionnelle les qualités d’un architecte, d’un artiste et d’un bâtisseur, avec la capacité de concevoir des architectures qui sont des œuvres et qui fonctionnent. » Le 19 janvier 2012, jour de l’inauguration du musée restauré et agrandi, elle qualifie l’œuvre de Piano de « parfait contrepoint à la sérénité du musée historique. La nouvelle aile conçue par Renzo Piano est un travail d’une extraordinaire élégance ». Dans le musée historique entièrement rénové, Piano a accordé un soin particulier à la remise en état de la grande salle des tapisseries qui, depuis 85 ans, servait de salle de concert provisoire…

Quant à la « nouvelle aile » (6 500 m2), dont la peau est faite de verre et de briques patinées alternant rouge profond et vert cuivre, elle est traitée un peu à la manière d’une serre ouvrant largement sur le jardin. Servant d’entrée au musée, elle enferme outre des locaux d’études et de recherche, deux appartements d’artistes, un restaurant et une boutique, une salle de concert de 300 places disposées en cercle à la manière d’un théâtre élisabéthain et une vaste salle d’exposition au plafond ajustable qui permet de régler la hauteur des cimaises du simple au double… Un ensemble d’une belle élégance certes, et aussi d’une incroyable légèreté. « L’enjeu n’était pas d’entrer en compétition avec le bâtiment existant, mais simplement de perpétuer, de démultiplier la magie du lieu tout en conservant cette intimité qui en fait tout le charme », confie Renzo Piano. Ce dernier, avec le Isabella Stewart Gardner Museum, accentue sa conquête « artistique » de l’Amérique, après la Menil Collection à Houston (1986), le Pavillon Cy Twombly à Houston (1995), le Nasher Sculpture Center à Dallas (2003), l’extension du High Museum d’Atlanta (2005), l’extension de la Morgan Library à New York (2006) et l’extension de l’Art Institute de Chicago (2009).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : Piano à Boston

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