Musée

Turin

L’avenir incertain du Castello di Rivoli

Par Alessandro Martini · Le Journal des Arts

Le 18 octobre 2011 - 810 mots

Musée phare de l’art contemporain en Italie, le Castello di Rivoli pourrait faire les frais de sa mauvaise gestion. Les adjoints à la culture de la Région et de la Ville envisagent une fusion du musée avec la Galleria d’arte moderna et la foire Artissima, sous l’enseigne d’une seule et unique fondation turinoise.

TURIN - Une seule fondation pour tout l’art contemporain, avec un seul président, un seul conseil d’administration, et un seul service de presse pour « sauver » le système turinois. C’est l’idée des adjoints à la culture de la Ville et de la Région du Piémont, respectivement Maurizio Braccialarghe et Michele Coppola, qui pensent même inclure la province de Turin et les fondations bancaires dans le projet. L’hypothèse d’une fusion entre le Castello di Rivoli, la Galleria d’Arte Moderna (GAM) et la foire internationale d’art contemporain Artissima n’avait encore jamais fait l’objet de discussions concrètes. Aussi les craintes sont-elles nombreuses. Comment concilier des « missions » considérées comme historiquement et culturellement opposées ? Comment réunir des collections aux origines et aux évolutions si différentes ?
Si cette « fondation unique » est pour l’instant en gestation, un projet solide pour redresser Rivoli est devenu indispensable.

Vers la crise
À peine deux ans après la nomination du duo formé par Andrea Bellini et Beatrice Merz à la tête du Castello, le piètre état de santé du plus influent musée italien d’art contemporain a créé l’émoi tant au niveau local qu’international. Soit Rivoli n’est plus considéré comme le phare de l’art actuel du pays, soit c’est la résignation, typiquement italienne, alors que la nécessité d’une culture résistant à la crise se fait plus forte. Le choix du duo Bellini-Merz par le président du Castello, Giovanni Minoli, fut considéré comme politique : la Région (et son adjoint à la culture Gianni Oliva) soutenant Bellini, le directeur d’Artissima depuis trois ans, et la Ville étant proche de Merz, présidente de la fondation du même nom. Un nouveau musée, plus ouvert et plus visible, semblait sur les rails. Mais les résultats ne sont pas ceux escomptés. Aujourd’hui, les trois étages du musée ne sont ouverts qu’en partie, la « Web TV » n’est pas au point, certaines expositions programmées n’ont jamais été montées et la fréquentation est en baisse. La Région (qui finance 3 des 4 millions du budget annuel) réclame désormais une structure administrative « plus légère », et son nouveau président, Roberto Cota, désavoue publiquement les deux directeurs. Ces problèmes étaient-ils sous-jacents lorsqu’Oliva et Bellini avaient annoncé se démarquer d’Ida Gianelli ? Pendant une vingtaine d’années, l’ancienne directrice a construit la crédibilité du musée, fondée sur des expositions mémorables et une reconnaissance internationale.

Transfert du musée
« Il faut rajeunir la structure, modifier la direction, réduire le conseil d’administration à cinq membres », estime Coppola. Tandis que les directeurs sont mis en cause, le président ne détiendrait pas de « compétences spécifiques » en art contemporain, et serait absent du musée. Selon Roberto Casiraghi, fondateur d’Artissima, le duo « manque de relations et ne sait pas faire parler de lui » (La Stampa-Torino, 13 septembre), ajoutant : « Je me demande où sont partis les soi-disant Amis du Castello di Rivoli, les anciens mécènes. » Hormis les grandes entreprises, qui l’ont toujours accompagné (d’abord Gft et Fiat, aujourd’hui UniCredit et Fondazione Crt), le Castello manque de collectionneurs et de mécènes prêts à le soutenir. Mais peut-on vraiment parler de crise ? Rivoli n’a perdu que peu de visiteurs ces deux dernières années (112 000 en 2008 et 100 000 en 2010), pas plus que les autres musées italiens d’art contemporain. Bellini rappelle que « les musées européens de dimension et de budget similaires à ceux de Rivoli (mais qui, eux, se trouvent en centre-ville) affichent plus ou moins la même fréquentation ».

Coppola a annoncé que 2012 serait l’année de la renaissance, sans préciser les moyens à mettre en œuvre ni les objectifs à atteindre. Le contrat des deux directeurs s’achève en 2013 ; d’ici là, un partage des rôles est probable : les collections pour Merz, la programmation pour Bellini. Le rappel de Carolyn Christov-Bakargiev, conservatrice en chef du musée partie diriger la Documenta 13 (2012) à Cassel, n’est pas exclu. Déjà, les premières propositions de Coppola ont fait grincer des dents, comme l’idée d’ouvrir le Castello aux grandes ventes aux enchères internationales – hypothèse démentie par les maisons de ventes. Or le cœur du problème reste le même : l’accessibilité à un musée situé trop loin de Turin qui se veut « ouvert au public et à la ville ». Les voix s’élèvent pour le transfert du musée vers les Officine Grandi Riparazioni (anciennes halles), où il serait regroupé avec la Gam et Artissima. Mais le Castello ne retrouvera pas la renommée et la crédibilité d’autrefois par le seul biais de nouvelles vocations. Il lui faut avant tout un financement solide, le soutien des collectivités locales et une direction reconnue et écoutée.

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Légende photo

Castello di Rivoli - © photo Mau - 2005 - Licence CC BY-SA 2.5

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°355 du 21 octobre 2011, avec le titre suivant : L’avenir incertain du Castello di Rivoli

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