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Vu d’Allemagne

La Kunsthalle de Karlsruhe expose la jeune scène française

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2011 - 438 mots

KARLSRUHE - Qu’une institution allemande choisisse spontanément de consacrer ses murs à douze jeunes artistes français n’est pas anodin. Baptisée « Lumière noire », l’exposition organisée jusqu’au 25 septembre par la Kunsthalle de Karlsruhe marque un tournant dans le regard porté par le monde germanique sur le paysage hexagonal.

Le titre même de l’événement suggère la métaphore d’une scène plus subtile et lumineuse que les clichés qui l’avaient assombrie. Transfrontalière, la focale ne s’attache pas seulement aux créateurs vivant en France, mais aussi à ceux installés en Allemagne, certains étant peu connus sur notre rive. Chaque artiste est d’ailleurs représenté par un nombre conséquent d’œuvres, permettant de mesurer les nuances et l’épaisseur de son travail. 

Continuité historique
Le désir de la Kunsthalle de renforcer sa programmation contemporaine, encore balbutiante, en choisissant la France est stratégique, puisque l’institution possède déjà une collection méconnue de maîtres anciens français, tels Corot ou Chardin. Aussi l’exposition a-t-elle été conçue dans un esprit de continuité, le fil conducteur chromatique renvoyant à Odilon Redon ou Édouard Manet. Le noir se révèle tour à tour velouté, comme dans les dessins et héliogravures de Dove Allouche, dramatique chez Guillaume Bresson, gothique dans les danses macabres de Damien Deroubaix, mélancolique chez Saâdane Afif, ou ironique avec Nicolas Chardon. « Il ne s’agit pas d’art français en termes de nation, mais de goût », précise le commissaire de l’exposition, Alexander Eiling. C’est toutefois dans une filiation caravagesque que se place le travail en clair-obscur de Guillaume Bresson, peintre des tensions urbaines. La veine apocalyptique de Damien Deroubaix emprunte aussi davantage à Dürer qu’à la préciosité française. Le monde hybride de Nick Devereux plonge, enfin, plus ses racines dans Goya et Bellmer.

En 2006, à la Fondation Maeght (Saint-Paul-de-Vence), le curateur Dominique Païni avait signé une exposition intitulée « Le noir est une couleur », clin d’œil au credo d’Henri Matisse. Pour Alexander Eiling, le noir ne se réduit pas à une opacité dévorante. Il agit, au contraire, en révélateur du monde. Ainsi dans le film Orientations, l’artiste Ismaïl Bahri déambule-t-il dans les rues de Tunis, un gobelet rempli d’encre réfléchissant les architectures environnantes à la main. À première vue, le grand disque obscur de Vincent Tavenne s’apparente à un trou noir. Mais le visiteur s’y reflète plus qu’il n’y est aspiré. De même, en recouvrant d’encre les pages tirées de livres de voyage, Benjamin Swaim occulte moins les images qu’il ne les rend visibles en négatif. Lux ex Tenebris pour reprendre le titre d’une œuvre de Goya. 

Lumière noire

Jusqu’au 25 septembre, Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, Hans-Thoma-Strasse 2-6, Karlsruhe, Allemagne, www.kunsthalle-karlsruhe.de, tlj sauf lun. 10h-17h, week-end et mer. 10h-18h

LUMIÈRE NOIRE

Commissariat : Alexander Eiling

Nombre d’œuvres : 100

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°352 du 9 septembre 2011, avec le titre suivant : Vu d’Allemagne

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