Marseille

Un marché émergent

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 5 juillet 2011 - 922 mots

Malgré leur dynamisme, les galeries marseillaises ont encore du mal à développer un vivier de collectionneurs.

MARSEILLE - Créé en 2007 dans l’esprit de la foire Art Dealers organisée par feu le galeriste marseillais Roger Pailhas, le salon « Art-o-rama », organisé du 2 au 4 septembre à Marseille, bénéficie d’un vrai capital sympathie auprès des galeries. Ce d’autant plus que la participation à cette micro-manifestation, dont le budget est composé à 60 % de subventions publiques, n’implique aucuns frais. Sa prochaine édition compte treize exposants de qualité, notamment les Parisiens Crève-cœur et Olivier Robert, Nadine Gandy (Bratislava, Slovaquie) ou encore ACDC (Bordeaux). « Nous misons beaucoup sur le projet artistique [des participants] en offrant des conditions d’accueil et en leur permettant de configurer l’espace à leur souhait. », indique Jérôme Pantalacci, codirecteur de l’événement. Reste que la foire se tient sur un territoire où le socle de collectionneurs est très réduit, malgré quelques personnalités comme Yves et Jeanine Le Goff, Hervé Lebrun ou Josée et Marc Gensollen. Ces derniers achètent depuis une trentaine d’années des œuvres aussi bien de Dan Graham, Joseph Kosuth que de Roman Ondak et Michael Friedl. En 2000, le couple a acquis une ancienne filature réaménagée en cinq ans par l’architecte Harald Sylvander. Deux niveaux de ce bâtiment baptisé « La Fabrique » sont destinés à présenter leur collection, accessible sur rendez-vous tant aux associations d’amis de musées qu’au public scolaire, en particulier celui des jeunes en difficulté.
Ces amateurs de niveau international ne trouvent toutefois pas nécessairement leur compte dans le terreau des galeries locales. « Aucune galerie n’a remplacé Roger Pailhas », admettent Josée et Marc Gensollen. « Cela ne manque pas de dynamisme, mais plutôt d’envergure », estime le collectionneur Hervé Lebrun. 

Dynamique de réseau
Créée en 2006, Galerie of Marseille a réussi toutefois à attirer des pointures tels Michelangelo Pistoletto, Sarkis, Sophie Ristelhueber ou Yto Barrada. « À Marseille, on n’est pas noyé dans la masse, ce qui permet un travail pointu et de qualité, sans concurrence fébrile », observe Yannick Gonzalez, codirecteur de la galerie. Mais former des collectionneurs locaux est une tâche de longue haleine, comme le souligne Lydie Marchi, de la galerie Saffir. Celle-ci a « posé » sa galerie initialement nomade dans le quartier des antiquaires. Plusieurs structures fonctionnent de manière associative, à l’instar de Porte Avion, créée en 1988. « C’est impossible de vivre sans subventions. Nous avons montré Carsten Höller, John M. Armleder ou Sylvie Fleury, et nous n’avons jamais rien vendu à Marseille. Ici, [les gens font plutôt] des premiers achats, ou des achats pour se faire plaisir », reconnaît Jean-Jacques Le Berre, directeur de Porte Avion. Seulement 10 % de son chiffre d’affaires provient de Marseille, et encore s’agit-il principalement d’achats institutionnels. Bien que la clientèle marseillaise ne représente que 30 % de son audience, la galerie Bonneau-Samames, ouverte en 2006, a préféré garder un statut privé. Néanmoins, depuis deux ans, elle ne fonctionne plus qu’en appartement. « Nous avons essayé d’avoir des horaires fixes, mais cela ne fonctionne pas. Les habitants de Marseille ne sont pas intéressés par l’art contemporain, en tout cas pas pour acheter », regrette Simon Bonneau, codirecteur de la galerie. De fait, celle-ci a activé sa participation aux foires parisiennes, en exposant aussi bien sur Drawing Now que sur Slick.

Bien qu’innervé par un tissu associatif dense et dynamique, la ville manque d’une vraie locomotive. Le Musée d’art contemporain (MAC), qui a connu son âge d’or dans les années 1990 sous la direction de Bernard Blistène puis de Philippe Vergne, est aujourd’hui en sommeil faute de l’engagement financier de la municipalité. « Il se passe plus de choses à la Friche La Belle-de-mai qu’au MAC », remarque un habitué. « Marseille, c’est une ville où l’on trouve une pléthore d’initiatives qui manquent de surface financière, constate Véronique Collard-Bovy, directrice de l’association Sextant et Plus. Pour parvenir à une visibilité, on essaye de créer une dynamique de réseau. » C’est précisément tout le pari de l’association Marseille Expos, depuis fin 2007, qui fédère vingt-quatre structures marseillaises. Celle-ci organise au mois de mai l’événement du « Printemps de l’art contemporain », afin de stimuler la scène locale et attirer des visiteurs, notamment parisiens.

Les acteurs locaux espèrent que le programme « Marseille-Provence 2013 » redonnera à la ville un second souffle, avec la création d’équipements, à l’instar du nouveau bâtiment du Fonds régional d’art contemporain (Frac) Provence-Alpes-Côte d’Azur conçu par Kengo Kuma, ou de la salle « Panorama » dans la Friche La Belle-de-Mai. « Marseille a un gros déficit de confiance en soi. Il faut que cet événement soit réussi », souligne Yannick Gonzalez. La tâche reste compliquée car l’opération embrasse un vaste territoire, avec des villes telles qu’Aix et Arles dotées de politiques culturelles très différentes. 

Une nouvelle galerie à Marseille

La galerie Gourvennec Ogor ouvrira ses portes le 2 septembre à Marseille, dans un espace de 210 m2 sis dans le quartier de la Joliette, un périmètre en devenir où prendra pied en 2013 le nouveau bâtiment du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur. Quinze artistes participeront à l’exposition inaugurale. Pourquoi avoir ouvert à Marseille, où le vivier de collectionneurs est plus maigre qu’à Paris ? « Je ne voulais pas être la énième jeune galerie qui ouvre à Paris. À Marseille, il y a tout à faire, indique Didier Gourvennec Ogor. L’idée est d’apporter un autre œil, d’assumer le côté économique. Beaucoup de structures sont dans la recherche et l’expérimentation. Il y a pourtant un potentiel économique qui peut être développé. »
www.galeriego.com

Marc Féraud, entrepreneur mécène

P.-D. G. de la Compagnie financière de management installée dans les anciens abattoirs à l’entrée de l’Estaque, Marc Féraud a commencé à s’intéresser à l’art contemporain dans les années 2000. En 2009, il met en place un fonds de dotation, « M.ARCO », pour acheter de l’art contemporain. La collection compte une vingtaine d’œuvres d’artistes parmi lesquels Wang Du, Gérard Traquandi, Reena Spaulings, Wade Guyton et Kelley Walker ou encore Claude Closky. Depuis fin juin, ce fonds dispose d’une salle de 1 000 m2 dans les locaux de la société. Une première exposition mettra en vis-à-vis Traquandi et Alan Charlton. « L’idée est que la ville reprenne une position forte comme dans les années 1990, indique l’entrepreneur, membre fondateur de l’association Mécènes du Sud. Cela ne pourra se faire qu’avec une mobilisation forte des privés. » La personnalité de Marc Féraud ne fait toutefois pas l’unanimité dans le milieu de l’art marseillais.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°351 du 8 juillet 2011, avec le titre suivant : Un marché émergent

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