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Une restauration en panne

À Avignon, l’arrêt de la restauration des fresques de Matteo Giovanetti n’émeut guère

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 mars 2011 - 663 mots

AVIGNON - Fermée depuis plusieurs années, la chapelle Saint-Martial du Palais des papes, à Avignon, chef-d’œuvre de la peinture murale du XIVe siècle, risque bien de le rester. Lancé en 2005, son chantier de restauration est demeuré au point mort.

Des atermoiements liés à un appel d’offres – attribué avec un peu de légèreté ? –, mais aussi le transfert de la maîtrise d’ouvrage du chantier de l’État à la Ville, début 2008, ont eu raison de ce projet qui ne semble pas figurer au rang des priorités de la municipalité. L’affaire a été révélée par le quotidien La Provence (2 février 2011) et, depuis, les principaux intéressés se renvoient la balle pour éviter de répondre aux questions.

En février 2005, le chantier de restauration de cet ensemble, commandé en 1344 par le pape Clément VI, avait pourtant été annoncé à grands renforts de communication. D’un coût s’élevant à 480 000 euros, il devait être financé à parité par l’État et la Ville, propriétaire du monument, à hauteur de 190 000 euros, le reste (100 000 euros) étant pris en charge par un mécène, la Fondation BNP Paribas. Les quatre tranches de travaux devaient être conduites par l’entreprise italienne de Padoue Arte et restauro, sous le contrôle de l’architecte en chef des Monuments historiques Didier Repellin, pour un achèvement programmé au second semestre 2006. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. La découverte d’une restauration effectuée dans les années 1970 à l’aide de produits synthétiques a en effet compliqué la tâche de l’entreprise. Cette dernière a proposé un nouveau devis dont le montant atteint le double du premier, ce qui a logiquement rendu caduc un appel d’offres qui avait été attribué initialement… au moins-disant.  

Porte fermée
Faute de pouvoir trouver un accord, l’entreprise a ramassé ses pinceaux pour retourner en Italie. Et l’affaire en est restée là, aucun nouvel appel d’offres n’ayant été lancé depuis ce que l’on appelle désormais pudiquement « une première phase expérimentale ». Car entre-temps, la Ville d’Avignon s’est vu attribuer la maîtrise d’ouvrage du chantier et affirme, « compte tenu d’un contexte budgétaire actuel très contraint, ne pas être en mesure, dans un délai raisonnable, de prendre en charge sa partie financière », selon un communiqué. La Ville propose donc « de faire appel à de nouveaux partenaires financiers, ce qui reporte le déroulement du chantier ».  Prévenu par la municipalité en décembre, le responsable de la Fondation BNP Paribas, mécène de l’opération – qui a versé sa part –, se désole qu’un tel projet puisse ainsi se retrouver dans l’impasse. Il regrette aussi le peu de diligence dont témoigne le ministère de la Culture (avec qui la convention de mécénat et le chèque ont été signés) pour répondre à ses interrogations. « Une clause de ce document prévoit que, si le projet n’aboutit pas, nous pouvons réclamer nos fonds ou obtenir qu’ils soient affectés à une autre opération », rappelle Jean-Jacques Goron, délégué général adjoint de la Fondation BNP Paribas. Or le transfert de la maîtrise d’ouvrage complique l’affaire. Car à Avignon, musées et patrimoine ne sont guère placé au rang des priorités. En décembre 2010, le galeriste Yvon Lambert avait déjà menacé la Ville de retirer sa fondation face à la désinvolture de la mairie. Et l’affaire de la chapelle Saint-Martial ne suscite guère plus d’émotion. 

Moteur de l’industrie touristique locale avec près de 6 millions d’euros de chiffre d’affaires, le Palais des papes draine à lui seul plus de 600 000 visiteurs par an. Depuis plusieurs années, l’animation commerciale des lieux, assumée par RMG, une société d’économie mixte qui gère aussi les parkings de la ville, prime toutefois sur la mise en valeur patrimoniale. « Pour les visiteurs, cette chapelle n’est, hélas qu’une porte fermée, comme tant d’autres dans le palais », confirme Muriel Botella, directrice de la communication du palais et élue locale. « Le livre d’or ne mentionne aucune doléance à propos de la chapelle. » Celle-ci risque donc d’attendre encore longtemps. 

Légende photo

Salle du palais des Papes en attente de restauration, Avignon. © Photo : Mairie d'Avignon.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°343 du 18 mars 2011, avec le titre suivant : Une restauration en panne

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