Disparition

Les musées en deuil

Tout au long de sa carrière, Françoise Cachin sera restée fidèle à une certaine idée du musée

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 février 2011 - 637 mots

Première femme nommée directrice des Musées de France, Françoise Cachin s’est éteinte le 4 février, à l’âge de 74 ans.

PARIS - Une page se tourne. Avec la disparition de Françoise Cachin, le 4 février, à l’âge de 74 ans, le monde des musées a perdu l’un de ses plus opiniâtres serviteurs. Françoise Cachin aura certes été la première femme à être nommée directrice des Musées de France, en 1994, mais aussi la dernière à exercer pleinement son rôle, dans la lignée d’un Jacques Sallois, à qui elle a succédé et dont elle a poursuivi le travail en faveur du vote de la loi « musées ».Jusqu’en 2001, à la tête de l’administration des musées, Françoise Cachin aura promu activement la rénovation des établissements en régions, soutenant en parallèle une active politique de dépôts d’œuvres.

Cofondatrice de la Fondation French Regional and American Museum Exchange (Frame), elle aura aussi lancé le premier grand mouvement de coopération internationale des musées français. En 1995, il lui aura toutefois fallu affronter la tempête de l’affaire des « MNR » (Musée nationaux récupération), du nom des œuvres d’art spoliées par les nazis, revenues après la guerre dans les collections publiques françaises, sans qu’un travail scientifique abouti ne soit mené pour permettre toutes les restitutions. Avant d’arriver au sommet de la hiérarchie des musées, Françoise Cachin aura suivi un brillant parcours. Reçue en 1967 au concours des conservateurs, elle intègre, en 1969, le Musée national d’art moderne avant de rejoindre, en 1978, l’équipe de préfiguration du Musée d’Orsay animée par Michel Laclotte. C’est elle qui sera ensuite désignée pour diriger ce nouveau musée dédié au XIXe siècle, à Paris. De 1987 à 1994, elle y aura le loisir d’exercer ses talents de spécialiste de l’impressionnisme et du postimpressionnisme. Ce sera aussi le temps des expositions à succès, consacrées aux grandes figures du siècle – Manet, Gauguin, Seurat, Pissarro ou Cézanne –, mais aussi de l’accueil inédit en France des chefs-d’œuvre de la Fondation Barnes (États-Unis). Son souhait d’achever le catalogue complet des œuvres de Paul Signac, son grand-père maternel – elle était aussi la petite-fille de Marcel Cachin, membre fondateur du parti communiste français –, motivera son départ en retraite, en 2001.

Au cœur des débats 
Durant les dix dernières années de sa vie, Françoise Cachin ne se sera pas éloignée des musées, dont elle a observé avec consternation la mutation récente. En décembre 2006, elle sort de son silence et cosigne avec Jean Clair et Roland Recht une tribune dans Le Monde dénonçant la marchandisation des musées et, surtout, le projet du Louvre Abou-Dhabi. Quitte à être alors caricaturée en militante d’arrière-garde, comme lors d’un piteux débat télévisé nocturne où, l’édition du Journal des Arts qui avait révélé les projets d’Abou Dhabi posée sur les genoux, elle avait dû essuyer les sarcasmes grossiers de l’un de nos médiatiques confrères. 

Lâchée par son ministre
Le ministre de la Culture de l’époque, Renaud Donnedieu de Vabres, n’avait pas fait montre de plus d’élégance en l’écartant de la commission d’acquisition des musées nationaux puis de la présidence de la Frame, au mépris total des statuts de la fondation (lire le JdA no 259, 11 mai 2007). À l’époque, peu de voix s’étaient élevées publiquement pour dénoncer ce lâche coup bas. De cela, Françoise Cachin s’était remise difficilement. Elle avait pourtant continué à servir les musées en leur offrant des expositions, comme cette remarquable synthèse sur le Paris impressionniste qui s’est refermée à Essen, en Allemagne, quelques jours avant sa disparition (lire le JdA no 339, 21 janvier 2011, p. 10). La rétrospective « Manet » qui ouvrira le 4 avril au Musée d’Orsay, et à laquelle elle avait collaboré malgré une santé devenue fragile, résonnera d’une mélodie particulière, près de trente ans après celle qu’elle avait présentée, en 1983, au Grand Palais, à Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°341 du 18 février 2011, avec le titre suivant : Les musées en deuil

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