Musée - Art ancien

Musée Dapper

Le panthéon sacré des Dogons

Première rétrospective depuis soixante ans

Par Edith Paillat · Le Journal des Arts

Le 1 novembre 1994 - 528 mots

Sous un titre plutôt court, \"Dogon\", le Musée Dapper présente 90 œuvres majeures des Dogons du Mali. Belle initiative puisqu’aucune rétrospective ne leur avait été consacrée en Europe depuis les années trente. Statues équestres, couples mythiques, pilastres sculptés sont autant de formes puissantes où s’exprime une riche gestuelle.

PARIS - Quasiment inconnus jusque dans les années trente, les Dogons ont été redécouverts grâce à la Mission Dakar-Djibouti (1931-1933), qui a inauguré les enquêtes ethnographiques sur le terrain. En 1933, les pièces rapportées sont présentées au Musée d’ethnographie du Trocadéro. C’est également en pays dogon que s’élaborent les premières grandes études africanistes françaises, dont Masques dogons de Marcel Griaule et l’Afrique fantôme de Michel Leiris sont restés célèbres. Aujourd’hui, de tous les peuples d’Afrique occidentale, les Dogons, installés vers le XVe siècle au sud-ouest du Mali, ont peut-être été les plus étudiés, et l’art dogon est vendu très cher.

Le parcours de l’exposition s’articule autour du thème de la gestuelle, un parti pris résolument esthétique pour un voyage dans un univers formel et mystique qui est, il est vrai, d’une grande cohérence plastique. Très unitaire, le style dogon est reconnaissable par ses coiffures en forme de casque, et ses corps longs et fins où les volumes se répartissent dans une stricte symétrie. Les statues stylisées, d’une verticalité parfaite, semblent ainsi traduire l’éternel élan vers les cieux sacrés.

Les thèmes renvoient à la mythologie et la cosmogonie du peuple dogon et mettent en scène les ancêtres, les génies Nommo ou le couple primordial, celui de la création du Monde. Cette iconographie religieuse s’applique aussi bien aux objets et accessoires qui font référence au Hogon (chef religieux) qu’aux pilastres architecturaux "de grand Abri" ou les portes de greniers, traités avec la même rigueur stylistique.

Les figures équestres ouvrent la marche avec un remarquable cavalier daté du XVIe siècle de l’ex-collection Lester Wunderman, aujourd’hui conservé au Musée Dapper. Il est saisi dans une pose majestueuse et puissante où chaque détail, de la barbe au harnachement du cheval, est d’un raffinement extrême. Ce thème, associé au pouvoir et hérité des grands empires de l’Ouest, est propre à l’ex-région soudanaise puisqu’on le retrouve chez les Bambara et les Sénufo (Mali).

Quant aux statues, placées sur des autels ou sorties à l’occasion des cérémonies funéraires, elles représentent surtout des personnages dits "hermaphrodites". De "l’orant" en prière à la statue aux mains levées du Musée Rietberg implorant la pluie ou les dieux, toutes suggèrent une gestuelle. Cette attitude religieuse se manifeste également dans les statuettes aux yeux mi-clos agenouillées, recouvertes de matières sacrificielles, ou dans la belle tête prédogon du Xe siècle aux volumes pleins et doux.
 
Si les formes géométriques des célèbres couples assis peuvent évoquer une certaine rigidité, la subtilité de l’attitude dans le frôlement d’un genou, la légère inclinaison d’une tête ou l’étreinte d’un bras autour du cou apportent une note quasi intimiste dans ce panthéon très sacré.

"Dogon", jusqu’au 13 mars, Musée Dapper, 50, avenue Victor Hugo, 75116 Paris. Ouvrage collectif, dont un texte de 1973 inédit en français de Jean Laude, 110 photos couleurs et 64 N et B, format 24 x 32, 263 F (relié) et 170 F (broché).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°8 du 1 novembre 1994, avec le titre suivant : Le panthéon sacré des Dogons

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