Entretien avec Éric Dereumaux, codirecteur de la galerie RX, Paris

« Il faut toucher les périphéries »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2010 - 773 mots

La galerie RX (1) a acquis un bâtiment de 1 500 mètres carrés à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). Quelle en sera l’utilité ?

À l’origine, nous cherchions un lieu de stockage. Mais, finalement, cet espace nous permettra de développer des projets que nous n’aurions pu imaginer auparavant. Il y aura quatre activités : stockage, accrochage, résidence pour trois ou quatre artistes en même temps et réalisation d’œuvres in situ, notamment un wall drawing de Françoise Pétrovitch et une installation de Georges Rousse. Après sept ans d’activité, nous avons été confrontés à deux problèmes : comment répondre à des partenariats internationaux avec des galeries, et comment proposer des projets hors les murs. Notre idée est de transformer davantage la galerie en agence. Nous avons désormais la superficie, les murs et les œuvres sur place pour être apporteurs de projet, notamment d’expositions clés en main. Par exemple, lorsque Georges Rousse a mené son exposition voilà deux ans à la Maison européenne de la photographie [à Paris], nous avons été à l’origine de son itinérance. Si nous avions eu ce nouveau lieu plus tôt, nous aurions pu montrer plus facilement les œuvres disponibles à des conservateurs et commissaires d’expositions.

Le fait que cet espace dispose d’une résidence vous permet-il d’attirer davantage d’artistes, notamment étrangers ?
Oui. Par exemple, Sami Al Turki, un artiste saoudien sélectionné par Catherine David pour le pavillon de l’Adach [Abu Dhabi Authority for Culture and Heritage] à la Biennale de Venise l’an dernier, sera résident pendant quatre mois. Autrement, cela n’aurait pas été possible. En avril, nous accueillerons une jeune artiste coréenne, Ahn Sung Ha, qui nous permet de développer un partenariat avec la galerie Gana-Beaubourg à Paris. La résidence permet de suivre les artistes dans leurs phases de création. Nous pourrons y amener des collectionneurs au fur et à mesure de l’élaboration d’une œuvre.

Votre galerie est située dans le 8e arrondissement parisien. Pourquoi avoir choisi un quartier qui n’est pas forcément sur la feuille de route des collectionneurs d’art contemporain ?
Dans le 8e, il existe d’autres enseignes prestigieuses comme la galerie Louis Carré & Cie, la galerie Lelong, la galerie Jérôme de Noirmont, ainsi que des maisons de ventes. À l’origine, ce quartier était le centre artistique de Paris. Certaines rumeurs laissent imaginer que Larry Gagosian et Guy Pieters s’y installeraient. C’est vrai que nous avons moins de confrères ici que dans le Marais, et il est plus facile de sympathiser avec des collègues lorsqu’on est dans la même rue. Mais je me sens plus libre d’explorer des choses ici. Nous sommes éclectiques. Nous ne voulons pas être la galerie d’une génération ou d’un médium. Je préfère aussi un quartier plus mixte. La galerie marche, nous avons autant de collectionneurs ici que dans le Marais, sinon nous aurions fermé depuis longtemps.

Mais cela ne vous coupe-t-il pas d’un réseau, notamment de certains salons comme la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) ?
Bien sûr, on aimerait participer à la FIAC, mais le fait de ne pas y être ne nous a pas empêchés de travailler, de diffuser nos artistes ni d’en faire entrer de nouveaux. Cela ne nous a pas empêchés de participer à Paris Photo l’an dernier, ni de développer des projets en Russie avec les artistes Philippe Pasqua et Georges Rousse, en Corée avec Marc Couturier, ou encore à Abou Dhabi et Pékin. Nous explorons des terrains où les réseaux sont moins rodés. Il faut toucher les périphéries, et surtout les pays qui affichent un vif intérêt pour la France.

Votre partenaire, Éric Rodrigue, vient du monde de la finance. Cela a-t-il brouillé l’image de la galerie ?
Le fait qu’il soit collectionneur, financier et que la galerie soit dans le 8e arrondissement a créé un amalgame qui laisse penser que nous sommes commerciaux. Or, les gens qui nous connaissent savent que nous sommes là pour travailler et défendre nos artistes. Autrement, nous ne les aurions pas tous gardés. Nous sommes fidèles, nous travaillons sur la durée.

Comment avez-vous ressenti la crise ?
Nous avons vendu 35 % de moins que les autres années. Dès septembre 2008, lorsque nous étions sur la foire de Séoul, nous avons senti le coup de froid. En rentrant, nous avons renégocié tous nos frais de loyer et transport, nous avons arrêté toutes les foires étrangères. Du coup, nous devrions être à l’équilibre. J’ai passé l’année 2009 à visiter des ateliers d’artistes. De nouveaux créateurs vont rejoindre la galerie en 2010, comme Éric Rondepierre, ce qui nous donnera une nouvelle énergie et de nouveaux réseaux.

(1) Galerie RX, 6, avenue Delcassé, 75008 Paris, tél. 01 45 63 18 78, www.galerierx.com, du mardi au samedi 12h-19h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°317 du 22 janvier 2010, avec le titre suivant : Entretien avec Éric Dereumaux, codirecteur de la galerie RX, Paris

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