Ouverture du nouveau Museum of Contemporary Art

Le Journal des Arts

Le 1 juin 1996 - 1138 mots

Chicago ne possédait jusqu’ici qu’un modeste musée d’art moderne et contemporain, dont les locaux trop exigus limitaient la portée du programme d’expositions et empêchaient de présenter les collections permanentes. Changement spectaculaire le 2 juillet avec l’ouverture du nouveau Museum of Contemporary Art, qui deviendra certainement l’une des principales institutions américaines consacrées à l’art contemporain.

Les 20 500 m2 (dont 4 200 m2 de surface d’exposition) du nouvel édifice dessiné par Josef Paul Kleihues représentent sept fois la surface du précédent bâtiment. Ils permettront pour la première fois au Museum of Contemporary Art (MCA) de montrer simultanément ses collections permanentes et des expositions temporaires. Le MCA devient ainsi l’un des trois plus grands musées américains consacrés à l’art international de l’après-guerre, aux côtés du Los Angeles Museum of Contemporary Art et du Walker Art Center de Minneapolis. Il fait soudainement jeu égal avec des institutions telles que le MoMA et le Whitney Museum de New York, le San Francisco MoMA et les grands musées à vocation encyclopédique qui collectionnent et exposent l’art contemporain aux États-Unis. Son conservateur en chef, Richard Francis, envisage d’ailleurs de collaborer avec le Centre Georges Pompidou, la Tate Gallery de Londres et le Kunstmuseum de Bâle pour organiser des expositions itinérantes.

La création du MCA, il y a une trentaine d’années, est due à un petit groupe de collectionneurs qui avait commencé à montrer, dans une ancienne boulangerie rénovée, des artistes Pop et conceptuels tels qu’Oldenburg et Segal, des artistes locaux comme H. C. Westermann, ou encore Christo, qui emballa le lieu entièrement de rose. Le MCA a ainsi offert à certains d’entre eux l’occasion de monter leur première exposition dans un musée : Flavin, Artschwager, H. C. Westermann, Lee Bontecou, Abakanowicz, Yasumasa Morimura, Lorna Simpson, Jeff Wall et Beverly Semmes ; et à d’autres, leur première exposition dans un musée américain : Enrico Baj, Tàpies et Frida Kahlo.

En 1977, les fondateurs rachetaient une maison voisine de trois étages et, après avoir laissé Gordon Matta-Clark évider sols et murs, rouvraient le musée agrandi. Les collectionneurs locaux qui, pour la plupart, y avaient exposé leurs collections, ont alors peu à peu offert des œuvres au musée afin qu’il constitue une collection permanente. Mais devant l’impossibilité de présenter la collection en raison du manque d’espace, les membres du conseil d’administration décidaient en 1986 qu’il leur fallait disposer d’un nouveau bâtiment, et neuf administrateurs apportaient une mise de fonds de 5 millions de dollars pour donner vie au projet. Celui-ci a pris très rapidement de l’ampleur puisqu’avant même d’avoir arrêté un plan ou choisi un architecte, quarante administrateurs avaient déjà réuni 37,5 millions de dollars. Aujourd’hui, dépassant l’objectif de 55 millions de dollars (280 millions de francs) qu’il s’était fixé, le MCA en a recueilli 57… et cela pourrait continuer.

Le coût du bâtiment s’élève quant à lui à 46 millions de dollars (235 millions de francs). [Lancée également en 1986, la collecte de fonds pour la construction du nouveau San Francisco MoMA dessiné par Mario Botta, avait rassemblé 89 millions de dollars, lire le JdA n° 10, janvier 1995.]
En 1991, le conseil d’administration a choisi, parmi deux cents candidatures, l’architecte berlinois Josef Paul Kleihues, qui avait déjà à son actif le Musée de la préhistoire de Francfort (1980-1986) et la reconversion de la Hamburger Bahnhof de Berlin en musée d’art contemporain, mais n’avait encore jamais construit aux États-Unis.

Le bâtiment
Le bâtiment proprement dit occupe un carré d’environ 56 m de côté sur un emplacement de 8 000 m2, situé au 220 East Chicago Avenue. Il se dresse à une vingtaine de mètres au-dessus de la façade principale, inspirée par celle de l’Altes Museum de Berlin conçu par Schinkel. Un large escalier mène à l’entrée du musée, qui donne sur un atrium d’environ 18 m de haut comprenant boutique, billetterie, vestiaire, ascenseur etc. Des espaces d’expositions temporaires carrés (sur 1 400 m2), de 25 m de côté, prennent place de part et d’autre d’un long couloir menant du jardin de sculptures (sur 3 200 m2) au lac Michigan. Le quatrième étage abrite la collection permanente (sur 1 500 m2), qui est présentée dans quatre salles éclairées par des puits de lumière combinant lumière naturelle et éclairage électrique, conçus par la société Ove Arup & Partners, déjà à l’origine de l’éclairage de l’aile Sainsbury de la National Gallery (Londres) et de la Menil Collection (Houston).

La collection
En moins de vingt ans, le MCA a rassemblé 7 000 pièces, dont 1 300 œuvres sur papier et 4 000 livres d’artistes. Magritte, Matta, Picasso et Bacon sont présents au sein des collections, ainsi que l’Expressionnisme abstrait, mais les mouvements les mieux représentés sont l’Art conceptuel, l’Art minimal et les peintres de Chicago.

Expositions
La programmation du nouveau MCA débute avec "Negotiating rapture : the Power of Art to Transform Lives" (Négocier l’extase : le pouvoir de l’art pour transformer la vie), du 2 juillet au 20 octobre, qui, selon le conservateur en chef et commissaire de l’exposition Richard Francis, traite "de la recherche d’un état au-delà du quotidien, de la transcendance". L’exposition rassemble des œuvres de Reinhardt, Agnes Martin, Bacon, Kiefer, Newman, Nauman, Beuys, Fontana, Viola et Shirazeh Houshiary.

La seconde grande exposition, "Art in Chicago : 1945-1995", du 16 novembre 1996 au 23 mars 1997, est organisée par Lynne Warren, qui travaille au MCA depuis quinze ans. La troisième, "Performance Anxiety" (L’angoisse de la création), du 26 avril au 20 juillet 1997, est une exposition collective conçue par Amanda Cruz, qui a rejoint le MCA en 1995 après cinq ans au Hirshhorn Museum de Washington.

Mécénat
Contrairement aux autres musées de Chicago, le MCA n’est pas implanté sur un terrain appartenant à la municipalité – l’emplacement lui a été offert par l’État de l’Illinois en 1988 –, aussi n’a-t-il droit à aucune subvention de la Ville. Pour financer les manifestations et les expositions prévues cette année, le musée a réuni 2,7 millions de dollars (13,8 millions de francs) grâce au soutien d’American Airlines, de la Bank of America, d’Hal Riney and Partners, Sara Lee, AT&T (pour "L’angoisse de la création"), Philip Morris (pour "Art in Chicago") et Marshall Fields and Target Department Stores (pour "Solstice d’été", la soirée d’inauguration), qui ont donné chacun 250 000 dollars. D’autres sociétés ont fait des dons allant de 50 000 à 100 000 dollars. L’inauguration du musée se fera le jour du solstice d’été – le MCA restera ouvert gratuitement au public pendant 24 heures, du 21 juin à 19 heures à la même heure le jour suivant –, mais le musée ne sera définitivement ouvert au public qu’à partir du 2 juillet.

Museum of Contemporary Art, 220 East Chicago Avenue, Chicago Illinois, 60611-2604, Tél. 312-280 2660, Fax 312-280 2687. Ouvert tlj sauf lundi 11h-18h, jusqu’à 21h le mercredi et le premier vendredi du mois. Entrée 6,5 dollars (33 francs), gratuit le mardi.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°26 du 1 juin 1996, avec le titre suivant : Ouverture du nouveau Museum of Contemporary Art

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