Jardins

Chantilly en exemple

Les anciens parterres du château, réalisés par Le Nôtre, ont fait l’objet d’une restauration respectueuse de l’histoire du site

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2009 - 723 mots

CHANTILLY - La restauration des parterres de Le Nôtre du château de Chantilly (Oise) est à l’image de ce qui se passe depuis 2006 au sein de ce vaste domaine appartenant à l’Institut de France.

À première vue, quelque chose a changé, sans que l’on sache dire précisément de quoi il s’agit. Depuis que la Fondation pour la sauvegarde et le développement du domaine de Chantilly, financée largement par Son Altesse le prince Karim Aga Khan (lire le JdA n° 211, 18 mars 2005), a été créée, le site est entré dans une phase de grands travaux, visant, sur vingt ans, à restaurer l’ensemble du domaine et à mettre à niveau l’offre culturelle de ses deux musées (Musée Condé et Musée vivant du cheval). Face à l’ampleur de la tâche – le budget global a été estimé à 200 millions d’euros –, les interventions se font par touches successives, en fonction des priorités et de la pertinence de chaque projet. Après le Petit Château, la Grande Singerie, les soubassements du château, ou encore une partie du Hameau et des Grandes Écuries, c’est donc au tour des parterres à la française, créés au XVIIe siècle par l’agence d’André Le Nôtre pour le Grand Condé, d’avoir fait l’objet de la sollicitude de l’architecte en chef du domaine, Pierre-Antoine Gatier. À terme, c’est tout le grand axe nord-sud, prolongeant la perspective vers la forêt, qui devrait à son tour être requalifié.
Quitte à déplaire aux inconditionnels de l’œuvre du jardinier de Louis XIV, le parti de Pierre-Antoine Gatier a été de restaurer les parterres nord dans leur état du XIXe siècle. « Le grand chantier du XVIIe siècle a été quasiment intégralement détruit à la Révolution, explique l’architecte. Il a ensuite été réinventé après 1870 par le duc d’Aumale. » De retour d’Angleterre après un exil forcé de vingt-trois ans, ce dernier s’attache à redonner son lustre à l’ancienne propriété des Montmorency puis des Bourbon-Condé. Le château, détruit en grande partie, est presque entièrement reconstruit et le dessin des jardins à la française librement réinterprété. Il suffit, en effet, de visiter l’exposition de documents anciens présentée au sein du château pour se rendre compte de l’ampleur des modifications subies par le parc, par ailleurs largement amputé de sa partie occidentale. La seule image en couleurs connue, un petit tableau du XVIIe siècle autrefois attribué à Lievin Cruyl, témoigne notamment de la présence des traditionnels buis et topiaires. Mais conformément à la Charte de Venise, qui préconise de respecter « les apports valables de toutes les époques », ils n’ont pas été restitués dans le cadre de cette restauration, qui se contente de jouer subtilement sur le contraste entre effets d’eau et gazons découpés, sans recréer les artifices de l’époque baroque. « Ce choix s’est fait dans le respect de la doctrine mais aussi des volontés du legs du duc d’Aumale, qui souhaitait que rien ne soit modifié à Chantilly, détaille Pierre-Antoine Gatier. Il s’agit aussi d’une question de cohérence esthétique, toutes les façades sur jardin datant du XIXe siècle. »
Le problème de l’entretien n’a pas non plus été éludé. « Il est évident que nous n’aurions pas eu les moyens d’entretenir un jardin tel que celui du Grand Condé », précise Nicole Garnier, conservatrice en chef du patrimoine, chargée du Musée Condé. Un travail important a toutefois été mené sur l’hydraulique, afin de remettre en état le système d’alimentation en eau mis au point par le célèbre jardinier du roi. Grâce à un aqueduc, les jeux d’eau des bassins sont alimentés par simple gravité depuis la rivière du site, la Nonette, canalisée en Grand Canal. La machine élévatoire des eaux du domaine, le pavillon de la Manse – aujourd’hui dans la ville de Chantilly –, n’alimentait donc que les jeux d’eau de la partie occidentale du parc. D’un coût de 10 millions d’euros (HT), incluant le curetage du réseau de canaux, le chantier a aussi porté sur la restauration de la statuaire. D’autres phases de travaux sont à l’étude, concernant notamment le Jardin Anglais, afin de remettre progressivement en état les quelque 115 hectares de parc ouverts au public. Sur un domaine qui compte au total 7 800 hectares…

LES JARDINS DE LE NÔTRE À CHANTILLY, jusqu’au 12 octobre, château de Chantilly, 60500 Chantilly, tél. 03 44 27 31 80, tlj sauf mardi, 10h-18h, www.domainedechantilly.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°309 du 18 septembre 2009, avec le titre suivant : Chantilly en exemple

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