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Art contemporain

Beaubourg à rebours

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 avril 2009 - 799 mots

Le sort des sous-sols du Palais de Tokyo devrait être connu dans les jours qui viennent. Le Conseil pour la création artistique, présidé par Marin Karmitz, défend une vision proche de celle prônée par le rapport d’Olivier Kaeppelin. Le projet concurrent du Centre Pompidou devrait en faire les frais.

Centre Georges Pompidou %26copy; Creative Commons

PARIS - Plutôt que d’aborder la défense de la scène française sous la focale habituelle du zoom, le Conseil pour la création artistique, présidé par le producteur Marin Karmitz, a choisi le grand angle. Au lieu de se cristalliser sur le Palais de Tokyo, un élément catalysant les luttes d’egos et de pouvoir, il préfère imaginer un schéma plus large de revalorisation et de dynamisation de Paris. Ce projet devait être dévoilé le 29 avril lors de l’allocution de Nicolas Sarkozy sur le « Grand Paris » à la Cité de l’architecture et du patrimoine (à l’heure où nous mettons sous presse nous n’avons pas de confirmation de cette date). Pour le Conseil, la fenêtre de tir est très courte et il faut rapidement profiter de la crise que connaissent les villes comme New York et Londres. L’idée consiste à mettre en réseau l’ensemble des institutions et maisons de ventes situées dans un périmètre large autour de la tour Eiffel afin qu’elles synchronisent leurs programmations et organisent quatre fois par an des vernissages communs, créant une sorte de « Paris Week ». Le Conseil préconise la création de cartes donnant accès à l’ensemble de ces structures, et la mise en place de navettes reliant les musées. Il sera toutefois difficile de mettre en musique autant d’établissements, dont certains sont privés (les salles de ventes) et d’autres relèvent de la Ville ou de l’état. Une telle polyphonie ne pourrait s’accorder sans une parfaite coopération entre la municipalité et l’état. L’opération « La Colline des musées », annoncée le 7 mai, en serait la première émanation. Que deviendraient, dans ce contexte, les espaces en jachère du Palais de Tokyo ? Pas vraiment un Whitney à la française. Ce lieu serait une plateforme de valorisation des artistes français confrontés à des créateurs étrangers, et une structure d’accueil des expositions de province, idée qu’avait initialement soulevée le délégué aux arts plastiques, Olivier Kaeppelin. Le Conseil qui, en revanche, ne semble pas convaincu par l’intégration du design, estime que l’établissement devrait aussi accueillir des chercheurs. Surtout, il ne voit pas cet espace comme une émanation du Centre Pompidou. Pour le Conseil, l’ensemble du Palais de Tokyo devrait être une sorte de « multiplexe » très ouvert sur le plan esthétique mais doté d’un guichet et d’une organisation unique. La forme juridique proposée serait celle de la Société par action simplifiée (SAS), dans laquelle l’état serait majoritaire. Un statut qu’a déjà adopté la Salle Pleyel, dont le président, Laurent Bayle, est aussi membre du Conseil pour la création. Là aussi, des discussions devront se nouer avec le Site de création contemporaine, hébergé au Palais de Tokyo.

Attentisme du ministère
Cette position, qui apporte de l’eau au moulin d’Olivier Kaeppelin, mettra-t-elle fin à la guerre picrocholine opposant la Délégation aux arts plastiques au Centre Pompidou ? Dans cette perspective, Beaubourg perdrait totalement la main sur le projet. Il y serait associé ni plus ni moins que n’importe quel musée parisien ou de province. Cherchant à neutraliser le rapport commandé par la Rue de Valois à Olivier Kaeppelin, et remis le 20 avril, l’établissement s’était pourtant empressé d’adresser au ministère son propre rapport conçu par la conservatrice Catherine Grenier. Il existe certes des zones de convergence entre les projets concurrents sur la question des monographies, des expositions d’actualité ou des vis-à-vis avec les artistes étrangers. Reste une divergence majeure sur le choix du maître d’œuvre. Beaubourg laisse entendre que la crédibilité d’un tel lieu serait moindre à l’étranger s’il ne lui était pas adossé. L’institution met aussi en avant des coûts d’exposition plus compétitifs grâce à une économie d’échelle. Par ailleurs, le Centre Pompidou a proposé comme forme juridique l’association, dont l’organigramme et le nombre d’employés seraient calqués sur celui du Site de création contemporaine. Une convention de définition des espaces entre les deux structures devrait même passer, selon ce rapport, au conseil d’administration du Site de création contemporaine.

Dans un attentisme caractérisé, le ministère de la Culture s’est bien gardé de prendre parti. Certes, dans sa lettre d’intention adressée le 24 février 2009 au président du Centre Pompidou, Alain Seban, Christine Albanel avait écrit que les espaces inférieurs du Palais de Tokyo prendraient la forme d’un organisme associé au Centre Pompidou. Mais, depuis, silence gêné Rue de Valois. Il est possible qu’à l’issue du conseil des ministres du 13 mai Christine Albanel s’exprime enfin publiquement sur ce sujet. Il serait grand temps !

Légende photo : Centre Georges Pompidou © Creative Commons ; photographe : David Wong.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Beaubourg à rebours

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