Politique

Un modèle britannique

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 27 février 1998 - 724 mots

La Grande-Bretagne a été l’un des premiers pays à se lancer à la recherche de nouveaux modes de financements, en complément de ceux alloués par l’État. Parmi les premiers, elle a pensé aux jeux. Les fonds attribués à la Culture par la Loterie nationale britannique, aujourd’hui en baisse, demeurent non négligeables.

Jusqu’aux années 1990, il n’existait pas en Grande-Bretagne de véritable ministère de la Culture. Les questions touchant à ce domaine relevaient d’un organisme aux compétences limitées :  l’Office of Arts and Libraries. Ce dernier a été remplacé en 1992 par le Department of National Heritage (DNH) puis, en 1997, par le Department of Culture, Media and Sport qui dotait enfin la Culture d’un ministère à part entière. À peine créés, le DNH et, plus tard, le Department of Culture ont vu leurs budgets se réduire d’année en année comme peau de chagrin, passant de 0,45 % du budget de l’État en 1992 à 0,35 % en 1997.

Pour trouver de nouvelles recettes, une loterie nationale fut lancée en 1994 – la première en Grande-Bretagne –, avec obligation pour elle de reverser 25 à 30 % de ses recettes au profit des arts, des sports, du patrimoine, d’œuvres caritatives, mais aussi des célébrations de l’an 2000. La gestion et l’exploitation des jeux furent aussitôt concédées pour une durée de sept ans à un opérateur privé, le Camelot Group. À charge pour lui de reverser l’argent collecté à plusieurs organismes répartiteurs devant sélectionner les candidats potentiels, étant entendu que seuls les projets importants d’intérêt public seraient financés et que chacun des projets devrait trouver des fonds complémentaires à hauteur de 10 à 50 % du montant total.

Les subsides de la Loterie destinés à la Culture sont aujourd’hui distribués par plusieurs organismes répartiteurs : l’Arts Council of England se charge des arts plastiques, l’Heritage Lottery Fund des musées (rénovation de bâtiments et acquisitions d’œuvres), le National Heritage Memorial Fund du patrimoine et la Millennium Commis­sion des manifestations pour l’an 2000. La Loterie nationale du Royaume-Uni a rapidement connu un succès phénoménal auprès du public. Dès la première année, 30 millions de joueurs se sont rués vers les guichets de jeux, permettant à Camelot de réaliser, dès ses douze premiers mois d’activité, un chiffre d’affaires de 5 milliards de livres et des profits – 51 millions de livres en 1996, environ 510 millions de francs – qui pourraient inciter le gouvernement à renégocier son contrat de concession. Début 1997, c’est-à-dire deux ans environ après la création de la Loterie nationale, 2,8 milliards de livres (28 milliards de francs) avaient déjà été reversés aux “bonnes causes”, dont 1,3 milliard au profit de la Culture dans le sens le plus large (musique, théâtre, environnement).

Les arts plastiques et le patrimoine, loin d’être oubliés, ont bénéficié de 650 millions de livres (environ 6,5 milliards de francs). Ce chiffre est à mettre en regard des 924 millions apportés, en 1997-98, par le Department of Culture, Media and Sport, le ministère de la Culture britannique.

490 millions de livres pour les arts plastiques en deux ans
Début 1997 et après deux années d’exercice, l’Arts Council of England avait alloué un total de 49 millions de livres au profit de 135 projets dans le domaine des arts plastiques. Côté musées, la somme la plus importante est allée à la Wallsall Art Gallery, près de Birmingham, pour son extension (15,8 millions de livres).

Sur une période de deux ans toujours, l’Heritage Lottery Fund a distribué 371 millions de livres au profit de 605 projets, dont 178 millions pour les musées (le budget du ministère de la Culture pour 1998-1999 attribue 200,7 millions aux musées et galeries), allouées à 146 projets, au nombre desquels figurent notamment le nouveau Centre d’étude et de conservation du British Museum (8,1 millions) et le Museum of Scotland à Édimbourg pour des travaux de rénovation (7,3 millions). La Millennium Commission, enfin, a versé 50 millions de livres pour la création de la Tate Gallery of Modern Art et 30 millions pour le réaménagement du British Museum.

Les travaillistes, au pouvoir depuis mai 1997, ont réduit les fonds destinés à la Culture et ont affecté le fruit de ces coupes budgétaires à de nouveaux bénéficiaires : la santé, l’éducation et l’environnement. Résultat, chacune des “bonnes causes” initiales verra ses revenus annuels passer de 250 à 200 millions de livres environ.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°55 du 27 février 1998, avec le titre suivant : Un modèle britannique

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