La collection Whitney n’atteint pas le sommet Ganz

Mais ella a quand même permis à Sotheby’s de dominer les ventes impressionnistes et modernes

Le Journal des Arts

Le 28 mai 1999 - 720 mots

Totalisant 128 millions de dollars, la collection Whitney, vendue le 10 mai chez Sotheby’s à New York, arrive au second rang des dispersions de grandes collections, derrière celle des Ganz qui avait rapporté 206 millions de dollars en 1997. De nouveaux records ont été battus pour des œuvres de Cézanne et Seurat. Christie’s, qui ne proposait pas de collection particulière, a enregistré des résultats moins spectaculaires les 12 et 13 mai, lors de ses ventes d’art impressionniste et moderne.

NEW YORK (de notre correspondante) - La salle des ventes de Sotheby’s était bondée le 10 mai, mais elle n’a connu l’effervescence qu’au moment de la présentation du Cézanne, Rideau, cruchon et compotier (1893). L’exposition qui avait précédé la vente pendant tout le week-end n’avait pas désempli, le public se pressant pour admirer les trésors rassemblés par l’une des plus grandes familles patriciennes du pays. Betsey Cushing avait épousé en premières noces James Roosevelt, le fils du président américain, puis John Hay, un milliardaire cultivé qui a fait fortune dans les chemins de fer. La vente fut un succès, tous les lots ayant trouvé preneur, mais un succès relatif si l’on tient compte de l’importante campagne de publicité qui l’avait précédée. Les œuvres n’ont généralement pas dépassé leur estimation haute. La seule réelle sensation a été provoquée par la nature morte de Cézanne, adjugée 60 millions de dollars (363 millions de francs) et devenant ainsi la quatrième peinture la plus chère vendue aux enchères. L’autre chef-d’œuvre, Paysage, l’île de la Grande Jatte par Seurat, a atteint son estimation haute de 35 millions de dollars, alors que beaucoup espéraient des résultats plus élevés.

Legs à des grands musées
Avec l’aide de l’expert John Rewald, les Whitney ont constitué une des collections les plus remarquables de leur génération. À sa mort, l’an dernier, Mme Whitney avait légué à quatre grands musées, dont le MoMA et la National Gallery de Washington, des peintures estimées à plus de 300 millions de dollars (1,8 milliard de francs). C’est en partie pour couvrir les frais de succession que ses deux filles se sont séparées des œuvres dispersées par Sotheby’s. Les Whitney avaient déjà choisi l’auctioneer en 1990 pour la vente de leur Renoir, Au moulin de la galette, adjugé 71 millions de dollars et qui demeure au second rang du palmarès des œuvres les plus chères en vente publique. Outre la collection Whitney, Sotheby’s a totalisé 79,6 millions de dollars pour ses tableaux impressionnistes et modernes, les 11 et 12 mai.

Les résultats de Christie’s, les 12 et 13 mai, ont été moins spectaculaires : 81 millions de dollars pour les impressionnistes et modernes et 62 millions pour l’art du XXe siècle. Aucune vente de collection particulière ne figurait à son programme et les collectionneurs, qui tablent sur une progression du marché, montrent peu d’empressement à vendre en ce moment. En témoigne le résultat réalisé par La roubine du roi de Van Gogh qui, estimé 20 millions de dollars n’est parti qu’à 19 millions.
Ses deux vacations proposaient surtout des stocks de marchands et des œuvres provenant de collections japonaises comme celle de Lake, une compagnie de crédit à la consommation qui doit se défaire au cours des prochaines années de tableaux représentant 250 millions de dollars.

Ayant réussi à courtiser une nouvelle génération de milliardaires issus des secteurs de la communication et des hautes technologies, les salles des ventes sont désormais confrontées non plus au manque d’acheteurs mais à la pénurie d’œuvres d’art de qualité.

Un record pour Cézanne

Exécutée en 1893-1994 alors que Cézanne peignait déjà des natures mortes depuis plus de trente ans, Rideau, cruchon et compotier est l’une des plus belles jamais apparues sur le marché. Estimée 25-35 millions de dollars, elle appartenait à la collection Barnes qui l’a vendue, contre l’avis de John Rewald, avec quelques autres Cézanne. Parmi les quatre enchérisseurs de départ se trouvait le marchand d’art genevois Simon de Pury. À 42 millions de dollars, un nouvel enchérisseur au téléphone a relancé les enchères. Tout s’est ensuite joué entre Dede Brooks au téléphone et un autre représentant de Sotheby’s. Un enchérisseur au téléphone l’a finalement emportée à 60 millions de dollars (55 millions de dollars sans les frais). La nature morte, au prix le plus élevé obtenu par un Cézanne, est devenue le quatrième tableau le plus coûteux vendu aux enchères.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°84 du 28 mai 1999, avec le titre suivant : La collection Whitney n’atteint pas le sommet Ganz

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