Fastes africains

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 juin 2008 - 518 mots

De Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy, en passant par Jacques Chirac, la France a toujours choyé les chefs d’Etat africains, fermant les yeux sur leurs corruptions ou exactions.

Ces derniers ont pratiqué pour leur part les renvois d’ascenseurs dans la grande tradition coloniale de la « Françafrique ». Cette proximité des potentats africains avec l’Hexagone s’est aussi exprimée à travers leur goût pour le mobilier XVIIIe le plus fastueux. La société Osenat en donnera la preuve le 29 juin avec la vente de l’intérieur de l’hôtel Masseran, un bâtiment ayant appartenu au président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, mort en 1993. Cette dispersion devrait servir à la restauration de l’hôtel particulier, propriété du gouvernement ivoirien. Au menu de cette vente, estimée autour de 7 millions d’euros, une commode Transition de Jean-François Œben et une autre estampillée Jean-Henri Riesener. Certains observateurs ont trouvé étrange que le gouvernement ivoirien s’adresse à une SVV de Fontainebleau plutôt qu’aux caciques parisiens. « Il n’y a rien de nébuleux dans cette affaire, défend Me Osenat. C’est une histoire claire, transparente. J’ai été contacté comme d’autres commissaires-priseurs. Si les choses n’avaient pas été claires, il n’y aurait jamais eu de ventes publiques. » La succession d’Houphouët-Boigny fait toutefois toujours l’objet de discordes entre les héritiers du président et l’État ivoirien. Sur son blog, sa fille Hélène Houphouët-Boigny dénonce la transformation d’une succession « privée » en « succession d’État » et s’estime spoliée par les autres héritiers. Dans une lettre ouverte adressée en 2007 au président actuel Laurent Gbagbo, elle réclame un dédommagement concernant l’hôtel de Masseran et le droit de choisir quelques éléments parmi la collection privée de meubles et tableaux. Pour Me Osenat, cette affaire de succession a été réglée par l’État ivoirien et ne risque pas d’entacher la vacation.

Patrimoine vertigineux
Si les Houphouët-Boigny et Omar Bongo ont fait les beaux jours des antiquaires dans les années 1970, un autre intervenant est récemment sorti de l’ombre. Depuis un an, Teodoro Nguema Obiang, fils du chef d’État de la Guinée Équatoriale, est devenu l’un des clients les plus actifs et dispendieux auprès des marchands parisiens pour meubler, semble-t-il, un appartement de 3 000 m2 situé avenue Foch. Le nom de ce nouvel acteur est apparu dans une enquête policière ouverte en janvier 2007 par de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), et révélée par le quotidien Le Monde  (1). Ce rapport fixait l’étendue du patrimoine vertigineux des chefs d’état africains en France, pointant une disproportion entre les revenus publics officiels de ces derniers et la richesse de leur parc immobilier. L’article du Monde révélait notamment que Teodoro Nguema Obiang avait acheté une quinzaine de véhicules pour un montant estimé à plus de 5,7 millions d’euros, acquitté par des virements effectués via des sociétés intermédiaires. Le journaliste précisait que son nom avait été cité en 2004 dans un rapport du Sénat américain sur les transactions suspectes couvertes par la Riggs Bank qui, à Washington, gérait alors plus de 60 comptes au nom des responsables de cet État pétrolier et de leur famille. À méditer.

(1) édition du 1er février 2008.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°283 du 6 juin 2008, avec le titre suivant : Fastes africains

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