La grotte Chauvet mine d’or

Les propriétaires des terrains seront largement indemnisés

Le Journal des Arts

Le 13 avril 2001 - 569 mots

À plus d’un titre, la découverte de la grotte Chauvet, en 1994, aura été exceptionnelle. En accordant 87,5 millions de francs d’indemnités aux propriétaires expropriés, la cour d’appel de Toulouse vient en effet d’adresser un nouveau camouflet à l’État, après le procès l’ayant opposé aux inventeurs de la grotte. Toutefois, les nouvelles dispositions contenues dans la loi sur l’archéologie préventive devraient mieux encadrer ce type de litiges.

TOULOUSE - La découverte fortuite d’une grotte ornée du Paléolithique, en Ardèche, sans doute la plus ancienne connue, avait conduit l’État à exproprier les propriétaires des terrains de surface. En février 1997, le juge de l’expropriation de l’Ardèche, suivi par la cour d’appel de Nîmes, avait accordé aux familles Helly, Ollier et Peschier une indemnité de 31 730 francs. Après un passage par la Cour de cassation, qui a désavoué l’arrêt, le litige est revenu devant une autre cour d’appel, celle de Toulouse. Moins chiche, celle-ci a condamné l’État à verser 87,5 millions de francs d’indemnités en parts égales aux trois familles. Pour arriver à cette conclusion, elle a pris en compte non seulement la valeur des terrains de surface, “des bois taillis inexploités”, mais s’est aussi appuyée sur l’arrêt de la Cour de cassation indiquant que “les indemnités doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain, résultat de l’expropriation”. Contre l’État et l’avis du commissaire du gouvernement, la cour d’appel de Toulouse a estimé que le préjudice des expropriés est aussi “la privation du patrimoine contenu dans le tréfonds de cette propriété”. Tout en reconnaissant la nécessité de limiter l’exploitation de “ce patrimoine de l’humanité”, la juridiction toulousaine considère que les propriétaires auraient pu “commercialiser les images prises dans leur propriété” ou “créer un musée dans un endroit constructible (...) où des reportages auraient été diffusés auprès d’un public payant”. La cour relève que des initiatives de ce type ont été prises depuis l’expropriation, comme la convention signée avec le conseil général de l’Ardèche pour créer un “espace de restitution” où 300 000 visiteurs par an sont attendus. Pour calculer les profits dont les propriétaires ont été privés, la grotte Chauvet a été estimée au moins quinze fois celle de Lascaux, exploitée pendant vingt ans avant sa donation à l’État en 1972, et évaluée à 1,1 million de francs de l’époque. Enfin, les demandes des plaignants ont été jugées raisonnables, en se référant à la décision de la Cour de cassation concernant Le Jardin à Auvers de Van Gogh. En 1996, l’État avait été condamné à verser 145 millions de francs à son propriétaire pour l’indemniser de l’interdiction de sortie du territoire.

En vue de prévenir le renouvellement de conflits de ce type, le législateur a inclus dans la loi sur l’archéologie préventive une disposition particulière : au propriétaire du terrain où est découvert le site, l’État doit “verser une indemnité destinée à compenser le dommage qui peut lui être occasionné pour accéder” au lieu. Mais, pour ces “vestiges archéologiques immobiliers”, le propriétaire perd le bénéfice de l’article 552 du Code civil, qui le présume possesseur du sous-sol du terrain. De la même façon, tirant les leçons d’un autre procès qui a opposé l’État aux découvreurs de la grotte, la loi prévoit que “lorsque le vestige est découvert fortuitement et qu’il donne lieu à une exploitation, la personne qui assure cette exploitation verse à l’inventeur une indemnité forfaitaire ou, à défaut, intéresse ce dernier au résultat de l’exploitation du vestige”.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°125 du 13 avril 2001, avec le titre suivant : La grotte Chauvet mine d’or

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