Achille Bonito Oliva : Entre les arts, le cinéma et la musique, mon cœur Valence (part II)

À la première Biennale de Valence Bonito Oliva fait équipe avec Greenaway

Par Roberta Bosco · Le Journal des Arts

Le 29 juin 2001 - 714 mots

Figure historique de la scène artistique italienne, le critique Achille Bonito Oliva s’est associé au cinéaste Peter Greenaway pour livrer avec « Le corps de l’art » une exposition où les œuvres d’art sont pensées comme autant de cellules du corps humain. Il ausculte avec nous ce projet.

Peter Greenaway et vous-même avez des personnalités très fortes. Quelle est la nature de vos rapports ?
Nos relations professionnelles sont très profitables. Peter Greenaway est une personne cultivée, très intelligente. Il s’est rendu compte que la période d’expérimentation du cinéma est achevée. Pour trouver de nouvelles formes d’expression, il doit se confronter aux autres arts. C’est justement mon attirance pour l’hybridation et la contamination qui me permet de dialoguer avec des artistes comme lui. L’idée d’une œuvre-parcours, semblable au corps d’un nouveau-né est de Greenaway.

Quelle a été la genèse du voyage que vous nous proposez ?
Nous avons eu trois sources différentes. La première est l’incendie de Rome, un acte “multimédia” par lequel Néron s’est montré homme de communication. La seconde est le colosse de Rhodes, une œuvre transnationale autant par l’extraordinaire résonance qu’elle a eue dans le monde antique que pour les esclaves qui ont travaillé à sa construction. En dernier lieu, le combat entre les gladiateurs et les fauves dans les amphithéâtres romains que je considère comme les premiers exemples d’interactivité. Cette exposition se veut multimédia, transnationale et interactive.

Ce parcours emprunte la forme d’un corps. Comment est-il structuré ?
Il est divisé en cinq parties caractérisées par une couleur différente. Ce corps est plein de veines et de nuances, de zones d’ombres et de recoins cachés, de fluides et de venins. Il a une structure en labyrinthe, mais celui-ci est bénin : les gens ne s’y perdent pas, ils s’y rencontrent. Ainsi, la tête est bleue et réunit les artistes les plus cérébraux comme Clegg & Guttmann qui montrent une bibliothèque en perspective avec des livres devenant de plus en plus petits. Dans la partie jaune, correspondant à l’estomac, se trouvent des travaux viscéraux : les frères Chapman ou le groupe slovène Irwin. Le sexe, rouge, réunit des œuvres centrées autour des impulsions sexuelles et des problématiques liées aux relations interpersonnelles. Yannick Vu et Ben Jakober ont réalisé spécialement pour cette exposition une installation dans laquelle deux squelettes font l’amour en regardant un film porno. Les jambes sont vertes comme l’herbe sur laquelle elle marchent. On y retrouve des artistes, comme Christian Marclay, préoccupés par l’un de mes sujets de prédilection : le nomadisme artistique.

Et la cinquième partie ?
C’est la mémoire, une composante très importante de tous les corps, représentée par deux œuvres exceptionnelles : un film sur Salvador Dalí réalisé par Orson Welles, et La Pluie de Marcel Broodthaers. Nous y trouvons aussi un emballage de Christo & Jeanne Claude ainsi qu’une photographie historique de Oliviero Toscani sur la peine de mort.

Vous parlez parfois des œuvres comme de signaux. À quoi faites-vous référence ?
Au colosse de Rhodes, par exemple, ou à l’œuvre que prépare Denis Santachiara. Il s’agit d’un énorme ballon flottant qui reprend la forme d’un enfant recroquevillé. Illuminé la nuit, il est le symbole du corps de l’art, avec son cordon ombilical encore relié au clocher du couvent des Carmélites. Les autres signes extérieurs sont une sculpture de Santiago Calatrava et une gigantesque photographie du spectateur inconnu, de Braco Dimitrijevic.

Aujourd’hui toutes les villes veulent leur Biennale. Ne croyez-vous pas qu’il y en a trop ?
Toutes les villes souffrent de problèmes de communication, et un événement périodique crée le syndrome de l’attente. La culture a depuis toujours été utilisée comme vecteur de propagande. Valence avait besoin d’une biennale pour renforcer sa politique d’échanges culturels internationaux et pour prendre position dans un circuit de tourisme de qualité.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Achille Bonito Oliva : Entre les arts, le cinéma et la musique, mon cœur Valence (part II)

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