Centre d'art

Les lieux de l’art

Une diffusion au compte-gouttes

Par Fabienne Fulchéri · Le Journal des Arts

Le 31 août 2001 - 1165 mots

Hormis les grandes institutions de l’île – Frac, Musée Fesch et peut-être prochainement le Musée d’art et d’histoire de Bastia – et les rares galeries vouées à la création actuelle, l’art contemporain a tendance en Corse à jouer les « sans domicile fixe ». Quelques initiatives sont heureusement là pour remédier à cette situation.

Le Centre méditerranéen de la photographie
Le réceptacle de la mémoire corse
Créé en 1994 à l’initiative de deux particuliers désireux de doter la Corse d’un nouveau lieu de création, le Centre méditerranéen de la photographie (CMP) est devenu un important maillon de la politique culturelle de l’île. Soutenue par la Collectivité territoriale de Corse et le ministère de la Culture–Drac Corse, cette association loi 1901 a pour vocation première de constituer un fonds photographique sur la Corse, au moyen de commandes publiques et régionales. Parmi la quinzaine d’artistes sélectionnés depuis huit ans pour construire la mémoire vivante de l’île, on note la présence de quelques grands noms comme Alain Fleischer, Walter Niedermayr, Dolorès Marat, Jens Rötzsch, ou Massimo Vitali. Les paysages – naturels ou urbains – de la Corse, ses habitants et ses mythes font partie des thèmes les plus évoqués.
Le CMP, qui sert de dépôt à ces œuvres, ne dispose pas d’un lieu d’exposition qui lui soit propre, mais a su, au fil des années, tisser de nombreux liens avec des structures capables d’accueillir toutes sortes de manifestations : le Théâtre de Propriano, le Centre culturel Una Volta à Bastia, la Cinémathèque de Corse à Porto-Vecchio, ou encore la Confrérie de Luri. Cette mise en réseaux, souvent difficile à mettre en place en Corse, aboutit ici à de fructueux échanges : des expositions consacrées à la collection, mais aussi des manifestations thématiques, sont ainsi accueillies par les différents partenaires. Des débats-rencontres accompagnent l’ensemble de ces activités et permettent à la structure de se situer dans une démarche résolument pédagogique. Organisateur, également, de la Biennale photographique, dont la 3e édition, intitulée “D’Orient en Occident”, s’est tenue à Bonifacio du 27 juillet au 31 août dernier, le CMP poursuit son exploration des cultures méditerranéennes.
- Centre méditerranéen de la photographie, Cité Comte - Résidence Pietramarina, 20200 Ville di Pietrabugno, BP 323, 20297 Bastia Cedex, tél. 04 95 31 56 08.

Domaine Orenga de Gaffory
Un mécénat du cru
Situé à quelques kilomètres de Saint-Florent, le village de Patrimonio est surtout connu pour l’excellence de ses vins, et les établissements qui bordent les routes sinueuses de la commune régalent plus généralement le palais des visiteurs que leurs yeux. Niché au cœur de la vallée, le domaine viticole d’Henri Orenga de Gaffory concilie les plaisirs en proposant naturellement des dégustations de sa fameuse production mais aussi des expositions d’art contemporain. Sa passion pour l’art actuel s’est déclarée en 1991, après que des liens amicaux avec des artistes insulaires lui eurent permis d’approcher au plus près le processus créatif. Ange Leccia, Jean-Paul Pancrazi, Jean-Paul Marcheschi sont quelques-uns des premiers artistes à avoir présenté leur travail dans ce lieu hors du commun. Depuis, de nombreux autres créateurs, originaires du continent, se sont succédé : Jean-Luc Moulène, Claude Viallat, Hervé Di Rosa, François Boisrond… En sommeil durant les deux années précédentes, les activités culturelles du domaine devraient reprendre leur rythme de croisière dès 2002 avec de nombreux projets en gestation. Henri Orenga de Gaffory confie de bonne grâce que ces manifestations artistiques lui permettent de valoriser l’image de son domaine, mais son engagement va plus loin que de simples opérations de prestige. Les expositions, la plupart du temps monographiques, sont souvent le fruit de projets spécifiques que les créateurs conçoivent sur place. Une résidence est mise à la disposition de ceux qui souhaitent venir en Corse pour réaliser leurs œuvres. Véritable mécène, Henri Orenga de Gaffory finance la production des œuvres, l’édition d’un catalogue et achète parfois une partie de l’exposition. Sa collection compte aujourd’hui une centaine de pièces, parmi lesquelles un large éventail de médiums est représenté : peinture, photographie… En l’absence des expositions temporaires, qui ont lieu essentiellement pendant la période estivale, ce fonds demeure partiellement visible dans deux salles consacrées à cet effet. L’initiative, bien qu’exemplaire, reste malheureusement très isolée dans le secteur privé corse.
- Domaine Orenga de Gaffory, 20253 Patrimonio, tél. 04 95 37 45 00.

La citadelle de Saint-Florent
Un bastion à prendre

Fièrement juchée sur les hauteurs de la ville, la citadelle domine de son imposante silhouette le port animé de Saint-Florent. Cet édifice militaire édifié par les Génois au début du XVe siècle semble susciter un regain d’intérêt après avoir été laissé en déshérence pendant de nombreuses années. Le donjon, jusqu’ici fermé au public, a en effet servi, l’espace d’un été (du 30 juin au 15 octobre 2000), de cadre à une exposition d’art contemporain organisée conjointement par la Fondation Cartier et le Frac Corse. Ce superbe écrin architectural a bénéficié pour l’occasion de légers travaux de rénovation : les murs ont été blanchis et les sols préparés afin de rendre l’intérieur du bâtiment présentable et de le mettre aux normes de sécurité. Si une réhabilitation entière de l’édifice s’impose, elle demeure soumise à une décision de la mairie, propriétaire des lieux, qui n’a pas encore statué sur son affectation définitive. Pôle d’échanges et de culture, le site de la citadelle, qui comprend environ trois hectares, l’est déjà : “Porto Latino”, un festival dédié aux musiques latines et cubaines, et de nombreux concerts se déroulent chaque année sur son esplanade. Faute de projets suffisamment aboutis, et sans doute en raison du récent changement de municipalité, aucun événement n’est venu réveiller cet été l’auguste bâtisse. Les acteurs culturels locaux, qui ne sont pas à court de propositions, souhaiteraient logiquement que l’intérieur de l’édifice soit dévolu à des manifestations artistiques, même si le cadre superbe et la vue imprenable du donjon sont susceptibles d’aiguiser des tentations plus commerciales. Affaire à suivre...

À voir. L’église Santa Maria Assunta s’ouvre à l’art contemporain


L’église romane du petit village de Canari accueille pendant la période estivale, et pour la première fois, une exposition d’art contemporain. L’initiative est due à l’artiste Hélène Mugot qui se rend chaque été dans le Cap Corse, et qui, après avoir visité ce lieu, a eu le désir d’y intervenir. L’installation principale se compose d’une plaque de verre qui recouvre le sol, et sur laquelle sont érigées plusieurs dizaines de cierges en cire d’abeille de forme conique. Allumés le 11 août, ces cierges sont disposés de manière à représenter la constellation du mois de la Vierge. Ils brûlent en dispensant lumière et parfum jusqu’aux alentours du 2 septembre, date à laquelle ils se seront normalement consumés. Seules traces matérielles de la performance, les coulures en forme d’étoiles dresseront une carte du ciel inattendue. Séduit par le projet, le maire de Canari envisage de poursuivre l’initiative engagée cette année en continuant d’accueillir des expositions d’art contemporain.
- Le butin du ciel, HÉlÈne Mugot, chapelle Santa Maria Assunta, 20217 Canari, tél. : 04 95 37 80 17. Jusqu’au 2 septembre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Les lieux de l’art

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