Venise

La Biennale devient une fondation

Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2004 - 719 mots

La Biennale de Venise change de statut juridique et ouvre une partie de son capital aux investisseurs privés.

VENISE - Les administrations locales italiennes pourraient bientôt être les principaux opposants au ministre des Biens et Activités culturels, Giuliano Urbani. Il y a quelques semaines, les Régions retournaient à l’envoyeur la nouvelle loi sur les biens culturels, jugée trop centralisatrice (lire le JdA n° 177, 26 septembre 2003). Le scandale s’abat aujourd’hui sur Venise. Comme rarement dans son histoire, la lagune voit l’ensemble de ses représentants se ranger du même côté, y compris le gouverneur vénitien, Giancarlo Galan, et le maire de Venise, Paolo Costa.
À l’origine de ce mouvement de contestation, un décret législatif réformant la Biennale, proposée par le ministre Giuliano Urbani et approuvé dans sa version finale le 19 décembre 2003 par le Conseil des ministres italien. Ce même jour, Giuliano Urbani a envoyé un télégramme – non officiel – à Franco Bernabè, président de la Biennale, lui sommant d’annuler le prochain conseil d’administration prévu au mois de janvier. Un nouveau conseil, mieux adapté selon lui à la future structure, sera constitué d’ici au mois de février. Franco Bernabè, dont la position diverge de celle du gouvernement de Silvio Berlusconi, se retrouve aujourd’hui sur un siège éjectable. Membre de l’ancien conseil d’administration, Valerio Riva parle de « faux pas colossal », tandis qu’Andrea Martella, député de l’opposition, accuse le ministre d’avoir recours à des méthodes putschistes et réclame sa démission.

Ouverture au privé
La réforme annoncée du statut de la Biennale réserve plus d’une surprise. La physionomie de cette institution, intimement liée depuis plus d’un siècle au nom et à l’image de Venise, promet de changer de manière radicale. Selon le décret approuvé par le gouvernement, la Biennale devient une fondation. Le statut de Società di Cultura (société de culture) promulgué par l’ancien ministre Veltroni est purement et simplement abandonné. Autre nouveauté, le capital de la fondation s’ouvre désormais au privé, dont les parts ne dépasseront pas 40 % du capital. Le conseil d’administration s’agrandit ainsi d’un maximum de trois membres – sur sept (1). Par ailleurs, la fondation pourra choisir de constituer une société à capitaux propres ou de rejoindre le capital d’une société existante. Elle sera dotée de son propre patrimoine mobilier et immobilier, que le ministre s’engage à lui attribuer.
La constitution d’un conseil « technico-scientifique », nommé par le conseil d’administration, est également prévue. Face au tollé provoqué par la première mouture du décret, Giuliano Urbani s’est montré favorable à la suppression du projet d’un conseil consultatif qui aurait réuni, entre autres, des représentants de la Triennale de Milan et du théâtre de la Fenice de Venise. Ce conseil élargi menaçait de dénaturer le caractère « vénitien » de la Biennale et d’en amoindrir l’autonomie, au profit d’un contrôle « politique » et d’une ingérence centralisatrice.
Giuliano Urbani a également approuvé la demande de la Commission culturelle bicamérale (la Chambre des députés et le Sénat) concernant le directoire de la Biennale. Le projet d’une direction à trois têtes, que Franco Bernabè a fortement critiqué, est abandonné en faveur d’un directeur unique, afin de parer à tout risque de contrôle des programmations. Ainsi, s’il n’est pas contraint au départ, Franco Bernabè reste le seul maître à bord.
Cette proposition de réforme coïncide avec le nouvel élan de la Biennale. Franco Bernabè a souligné le bilan positif de la cinquantième édition, qui s’est achevée le 2 novembre : l’augmentation du nombre de visiteurs par rapport à l’édition 2001, la plus grande présence des sponsors ainsi que la délocalisation territoriale de la manifestation, qui aura en 2004 une ramification dans le sud du pays, à travers des expositions et la formation d’opérateurs spécialisés en art contemporain. Soutenu par les ministères de l’Économie et des Biens culturels, ce projet a déjà obtenu une subvention de 7 millions d’euros en octobre 2003. Entre-temps, le conseil municipal vénitien a voté le projet de restructuration des espaces du Lido, qui abritent la Mostra, le festival international de cinéma. D’ici au mois de juin, la ville entend ainsi lancer un concours d’idées pour le nouveau Palais du cinéma.

(1) Une participation financière supérieure ou égale à 25 % donne droit à trois sièges au conseil ; entre 20 et 25 %, à deux sièges ; moins de 20 %, à un siège.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : La Biennale devient une fondation

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