Trois questions à

Jérôme et Emmanuelle de Noirmont, galeristes parisiens

« L’art contemporain, une valeur patrimoniale »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 28 mai 2004 - 615 mots

Que pensez-vous du marché de l’art contemporain ?
Le marché se porte bien. Il s’en sort plutôt mieux que d’autres actuellement. Il y a d’un côté le marché international, qui semble très bon, de l’autre des marchés nationaux. En France, il serait honnête de dire que, depuis le 11 Septembre, on souffre de l’absence des gros collectionneurs américains, mais entre-temps, une clientèle européenne s’est un peu développée. Depuis deux ans, les Italiens sont devenus plus acheteurs encore qu’ils ne l’étaient, sans doute grâce à l’amnistie fiscale. La clientèle française s’est bien maintenue malgré une pression fiscale importante. Les lois concernant le mécénat en France vont ouvrir un champ d’acheteurs qu’on ne voyait pas auparavant. On sent que les entreprises bougent. Les achats d’entreprises à l’étranger représentent entre 20 et 40 % du chiffre d’affaires des galeries, alors qu’en France on doit être à 2 %. Du côté des fondations, malgré la prochaine fermeture de la Fondation Daniel et Florence Guerlain, on peut se réjouir de l’ouverture de la Maison rouge d’Antoine de Galbert. Le marché de l’art contemporain est devenu une valeur patrimoniale, ce qui est sans doute le plus grand changement du marché en dix ans. Sur le plan international, malgré la frénésie, on n’est plus à la fin des années 1980, à l’époque où les marchands spéculaient. Les galeries sont très peu endettées aujourd’hui. Sur le plan des prix, il y aura indéniablement des ajustements pour des artistes surcotés. Nous observons de gros changements ces deux dernières années sur Keith Haring. Les gens commencent à réaliser son importance. Il touche toutes les générations et il n’a pas tant produit que ça. En deux ans, les prix ont augmenté de 50 %. Il y a eu vraisemblablement aux États-Unis des transactions supérieures à 600 000 dollars.

Quelle œuvre vous a le plus touché dernièrement ?
J’ai été fasciné par l’exposition au Musée du Louvre des dessins que Miguel Barceló a réalisés pour illustrer La Divine Comédie. Un des dessins qui m’ont le plus plu représente un corps déchiqueté, les jambes pendant lamentablement à un arbre. Il y a une poésie extraordinaire, une violence qui me fait penser aux dessins de la période « Opium » de Jean Cocteau, alors qu’il est en pleine cure de désintoxication. Même si, en l’occurrence, ce n’est pas le cas de l’exposition de Barceló, j’aime l’idée que les grands musées demandent aux artistes contemporains de venir se confronter à leurs collections. C’est ce que fera prochainement Serge Lemoine au Musée d’Orsay.

Quelle est votre actualité ?
L’actualité, c’est d’abord la Nocturne de la Rive Droite qui se déroulera le 2 juin. Elle comptera cette année 77 participants. On pourra voir ce soir-là plus de cinquante expositions, dont 39 vernissages. Face à l’affluence qu’on a constatée la fois précédente, l’ouverture des galeries est prolongée jusqu’à 23 heures. La Nocturne a apporté une dynamique au quartier qui a subi un certain nombre de travaux et qu’on redécouvre ce soir-là. Une soirée comme celle-là permet au public moins initié d’entrer chez des marchands prestigieux qui font découvrir leur univers alors que, la plupart du temps, ils sont
inaccessibles. La Rive Droite compte les plus grands spécialistes mondiaux, que ce soit dans le domaine du mobilier XVIIIe siècle comme dans celui de l’archéologie précolombienne. Ce qu’on ne sait pas toujours, c’est qu’il y a quand même 50 galeries qui présentent de l’art contemporain. De notre côté, nous présentons à partir du 26 mai l’artiste américain George Condo, qui rend un bel hommage à Manet et à Vélásquez en se concentrant sur la nature et la symbolique de leurs compositions. Trois jours plus tard, une rétrospective itinérante de Bettina Reims ouvrira au Kunstnernes Hus d’Oslo.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°194 du 28 mai 2004, avec le titre suivant : Jérôme et Emmanuelle de Noirmont, galeristes parisiens

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