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OPA sur France Muséums

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 4 octobre 2007 - 728 mots

L’agence de promotion du savoir-faire muséal français à l’étranger se recentre sur le seul projet du Louvre Abou Dhabi.

Paris - Le projet sera donc retombé comme un soufflet. France Muséums, l’agence internationale des Musées de France, mise sur pied pour encadrer la création du Louvre Abou Dhabi et promouvoir les musées français à l’étranger, conformément à l’accord signé le 6 mars 2007 à Abou Dhabi, aura, en effet, été tuée dans l’œuf. Durant les cinq prochaines années, elle se concentrera exclusivement sur le projet du Louvre Abou Dhabi ; c’est seulement à l’issue de cette période que pourront être envisagées d’autres opérations. Son directeur général, Jean d’Haussonville, nommé le 3 mai 2007, a été contraint de remettre sa démission à la veille du premier conseil d’administration de France Muséums, le 11 juillet. Henri Loyrette, président-directeur du Musée du Louvre, aurait plaidé pour son départ auprès de la ministre de la Culture, Christine Albanel. Membre du cabinet de l’ancien ministre, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean d’Haussonville avait négocié de bout en bout le projet et rédigé les statuts de l’agence. Il est remplacé par Bruno Maquart, jusque-là directeur général du Centre Pompidou. À l’automne 2006, alors que la polémique sur la cession de la marque Louvre aux Émirats arabes unis bat son plein, la Rue de Valois veut répondre à ses détracteurs en sortant des cartons son projet d’agence. La création d’un « Louvre des sables » offre l’occasion de se doter d’un bras armé capable de promouvoir – et de vendre – le savoir-faire français en matière de musées et de patrimoine.

Projets de coopération
Des projets de coopération sont envisagés : avec la Chine en matière d’archéologie, mais aussi avec
l’Algérie ou l’Afrique. Or, en coulisses, l’agence doit avant tout rassurer les professionnels des musées. Au premier rang desquels Henri Loyrette – initialement hostile au projet avant d’être convaincu des lucratives retombées financières par son second, Didier Selles – qui refuse de s’engager seul et obtient que d’autres musées soient partie prenante, à marche plus ou moins forcée. Soucieux de répondre aux critiques, les services de la Rue de Valois échafaudent un plan apportant des garanties sur la circulation des collections et la mutualisation des résultats financiers. Cependant, il faut aller vite pour ne pas agacer les Émiriens, ni se faire doubler par les Américains et les Britanniques, également sur les rangs. Créer une filiale du Louvre ou de la RMN ? Le Louvre s’y oppose. Le choix se porte alors sur une société par actions simplifiée (SAS). Vantée pour sa souplesse, cette structure implique une participation financière des établissements. Elle présente surtout l’avantage de pouvoir être montée rapidement, contrairement à un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) – pourtant plus adéquat – et de boucler l’affaire avant les élections présidentielles. « Si cela n’avait pas été le cas, le projet aurait échoué », justifie un observateur. De fait, le départ de Renaud Donnedieu de Vabres de la Rue de Valois, puis son échec à la députation – il envisageait de prendre la direction de la Commission des affaires culturelles du palais Bourbon – laissent le projet orphelin. Sans se dire hostile au projet, Christine Albanel paraît ne pas vouloir l’assumer pleinement. Et le Louvre, à qui le ministère avait imposé le projet et qui dispose déjà d’un poids prépondérant dans l’agence (le tiers des voix au conseil d’administration), de reprendre la main en exigeant un toilettage de la composition du conseil d’administration de France Muséums, sous peine de refuser d’en signer les statuts. L’État, initialement représenté par la directrice des musées de France, la secrétaire générale du ministère de la Culture et un représentant du Quai d’Orsay, se voit désormais cantonné dans un rôle d’observateur dépourvu de droit de vote ! « Il est normal et légitime que le Louvre occupe une place importante », rétorque Bruno Maquart, son nouveau directeur. Si d’aucuns se réjouiront, en effet, de voir les musées reprendre l’avantage dans la partie, un expert du ministère de la Culture ne cache pas son inquiétude : « l’agence bénéficiera pendant dix ans d’une importante marge financière garantie par les termes de l’accord avec Abou Dhabi. Or, celle-ci sera très supérieure au montant de la subvention versée par la Direction des musées de France aux musées. Ceux qui contrôlent cet argent exerceront donc un poids majeur sur la politique des musées au cours de ces prochaines années. » Ce, sous l’œil désormais impuissant du ministère de la Culture.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°264 du 7 septembre 2007, avec le titre suivant : OPA sur France Muséums

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