Collection

Philippe Chiambaretta

Un écrin pour le Centre national des arts plastiques à la Défense

Par Gilles de Bure · Le Journal des Arts

Le 3 mars 2006 - 752 mots

En 1982, dans la foulée de la création de la délégation aux Arts plastiques (DAP), dont il est l’instigateur, le tout nouveau et premier délégué, Claude Mollard, met en place le Centre national des arts plastiques (CNAP). 

Cette entité insolite dans la fonction publique, et dont le statut oscille entre celui d’un service intégré à la technostructure et celui d’un « démembrement de l’État ». Ses missions sont celles qui sont dévolues à l’aide à la création (actions d’incitation, bourses, subventions…), mais, dans l’esprit de Claude Mollard, son rôle consiste essentiellement à accélérer les processus, à donner corps et réalité aux décisions. Ce dont s’acquitte énergiquement le CNAP vingt-deux années durant. Pourtant, son statut demeure toujours aussi inhabituel, voire étrange. En 2004, décision est prise de le transformer en établissement public et, tout en maintenant ses missions (incitation, aides à la création, centre de ressources…), de les élargir en lui confiant la responsabilité du Fonds national d’art contemporain (FNAC), dont les réserves sont logées sous l’esplanade de la Défense.

Nouveau statut et nouvelles missions aidant, décision est prise de regrouper et de déménager le CNAP de la rue des Petits-Champs, à Paris, jusqu’à la Défense. Et, pour ce faire, de profiter du premier étage de la Tour atlantique pour y installer les vingt membres de l’équipe (laquelle compte en réalité soixante personnes avec les quarante employés du FNAC).

Selon les règles des marchés publics, une consultation d’architecture est organisée, sur dossier et non sur projets, car le temps presse. Le choix se porte sur Philippe Chiambaretta. Les collaborations de ce dernier avec le Centre de création contemporaine (CCC) de Tours, avec les galeries Air de Paris et Saints-Pères à Paris et avec l’artiste Orlan (pour la Pièce lumineuse présentée au CCC et au Palais de Tokyo), ou d’autres projets telle une Fondation d’art contemporain à Kiev (Ukraine) témoignent de son implication dans et de sa connivence avec l’art contemporain.

Les délais sont terrifiants pour aménager les 580 m2 du plateau de la Tour atlantique, car, si le contrat de maîtrise d’œuvre est signé fin juillet 2004, les locaux ne sont disponibles qu’en novembre et il est stipulé que l’équipe du CNAP en prenne possession au 1er mars 2005. D’autant que la Tour atlantique, qui n’appartient pas à la dernière génération des IGH (immeubles de grande hauteur) de la Défense a besoin, entre autres, d’un sérieux désamiantage.

Qu’importe, Chiambaretta et son équipe s’attellent au projet, travaillant étroitement avec le nouveau président du CNAP, Jean-Pierre Courcol, chef d’entreprise dont on connaît l’excellence et le « pointu » de la collection, et avec sa directrice, Chantal Cusin-Berche. Résultat : un projet aérien, épuré, coloré et efficace. Une parfaite adaptation de l’univers de l’art contemporain à celui plus « business » de la Défense. « Une sorte d’entre-deux où la référence au white cube évoque spontanément l’univers de l’art contemporain », confie l’architecte. Mais, plus encore que cette référence, c’est dans la subtilité structurelle de l’ensemble que Chiambaretta fait œuvre et rend lisible immédiatement la nature même du CNAP.

Le long couloir de 34 m est considérablement élargi par rapport aux normes habituelles (2 m au lieu de 1,40 m) et, se faisant face, une cloison sombre s’oppose à une cloison claire. Soit un monolithe abstrait et massif, dialoguant avec une peau étonnamment légère et lumineuse, perforée de manière aléatoire par des ouvertures vitrées tendues de films diffusant différentes couleurs. Quant à la signalétique, elle se trouve au sol, imprimée et noyée dans les dalles de moquette.

Ponctuant l’ensemble, une grande porte vitrée teintée d’un rouge soutenu neutralise le spectre des couleurs que l’on découvre à l’intérieur. Et trois « vues cardinales », réalisées par le photographe-plasticien Stéphane Couturier, portent son regard sur l’environnement immédiat de la Tour atlantique, opérant un réjouissant jeu de piste, confrontant intérieur et extérieur, ce qui démultiplie considérablement l’espace. Avec son équipe, Stéphane Couturier, la graphiste Michelle Gubser et le designer Fred Lambert, Philippe Chiambaretta a développé ici ce qu’il appelle « un concept d’aménagement qui met en œuvre une série de dispositifs qui exploitent la notion de regard, de regard critique, de cadrage, de perception, de trompe-l’œil… ».

À l’évidence, l’équipe du CNAP trouve là un outil de travail idéal. Plus encore même, puisque, à en croire Chantal Cusin-Berche, la spécificité de la Défense, qui regroupe les sièges de nombreuses entreprises, est un terrain de chasse plus que propice au mécénat. Et la prestation de Philippe Chiambaretta ne peut que donner une image dynamique et prospective aux actions du CNAP.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°232 du 3 mars 2006, avec le titre suivant : Un écrin pour le Centre national des arts plastiques à la Défense

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