Le Salvator Mundi ? Une bonne affaire !

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2017 - 433 mots

Placement. Et si les 450 millions de dollars payés par l'acheteur du Salvator Mundi étaient au fond un prix raisonnable ?

Regardons les choses de près. Dès lors que la valeur d’un objet ne repose pas sur sa valeur d’usage mais sur sa désirabilité, la seule limite est la fortune des acquéreurs. Or on compte au moins 500 milliardaires dans le monde dont la fortune est supérieure à 3,5 milliards de dollars. Et ces riches savent lire et compter. Ils ont lu dans la presse qu’un tableau de Cézanne s’est vendu il y a quelques années 250 millions de dollars et qu’un tableau de Gauguin a été acheté – paraît-il par le Qatar – 300 millions de dollars il y a deux ans. Et ils ont calculé que Cézanne a peint plus de 300 tableaux et Gauguin au moins 600. De Léonard on ne recense que 15 à 20 tableaux. Et, si de nombreux tableaux de ces maîtres du postimpressionnisme circulent encore sur le marché, une seule œuvre de Léonard serait détenue en mains privées. Or, dans une économie de marché le prix est déterminé par l’offre et la demande, et la rareté. De ce point de vue, au vu des chiffres précédents, le Salvator Mundi n’est pas cher payé. Passons sur les motivations psychologiques des acheteurs, elles vont du narcissisme ou de l’orgueil à l’amour de l’art. On pourrait aussi relever la valeur reliquaire de ce tableau, qui porte un peu de l’empreinte de Léonard à l’instar de la Croix du Christ dont de nombreuses églises médiévales se procuraient un morceau – vrai ou faux – pour attirer les pèlerins.

On peut aussi comparer ce montant à d’autres acquisitions de luxe, par exemple les yachts, l’incarnation du luxe suprême. Les deux plus chers yachts du monde valent entre 400 et 600 millions de dollars et appartiennent pour le premier à un cheik des Émirats arabes unis, pour le second au collectionneur russe Roman Abramovitch. Mais, contrairement à un yacht qui coûte une fortune à entretenir, un tableau de Léonard ne coûte rien – hors frais d’assurance. Il peut même rapporter : disons 200 000 dollars de location par an, soit un rendement annuel de 0,04 %. Une broutille qui écarte toute idée de placement financier – même le livret d’épargne rapporte plus. En revanche, exposer ce tableau dans le monde entier accroît sa désirabilité et dans quelques années un autre milliardaire sera prêt à payer 1 milliard pour l’acheter. Oui décidément, c’est une bonne affaire. À moins que ce ne soit pas un tableau de Léonard…, mais ceci est une autre histoire.

Légende photo

Léonard de Vinci (1452-1519), Salvator Mundi (sauveur du monde), circa 1500, huile sur panneau de noyer, 64,5 x 44,7 cm - Estimation 100 M$ - Adjugé 450,3 M$ (frais compris) - Vente du 15 novembre 2017 à Christie’s New York - Photo Christie's Images Limited

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : Le Salvator Mundi ? Une bonne affaire !

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